Si l’on avait respecté les principes démocratiques de la vérité des urnes et des comptes publics, sans modifier de manière arbitraire les Constitutions, sans contrôle des Cours constitutionnelles par le pouvoir politique, disposant de l’armée et de la force brute, comme au demeurant en Tunisie, au Gabon, au Togo, au Burkina Faso et bientôt en Centrafrique…, le règlement des crises sociales s’effectuerait sans nul doute de manière plus consensuelle, particulièrement dans le contexte de crise économique et financière de longue durée que le Monde subit aujourd’hui.
1. UN GOUVERNEMENT DE TRANSITION NE SE FAIT PAS AVEC LES ZÉLÉS DE L’ANCIEN REGIME
Un gouvernement de transition est désormais à pied d’œuvre à Tunis ! Mais l’ancienne garde s’accroche et la communauté internationale, malgré un mea culpa du bout des lèvres continue à tout faire pour conserver les acteurs de l’ancien régime. C’est ce qui explique l’arrivée massive des laissés-pour-compte par le régime de Ben Ali, qui viennent grossir le rang des manifestants, qui demandent un changement radical et la démission du premier ministre et de tout le gouvernement qui a servi sous Ben Ali, l’ex-Président qui n’a pas oublié d’emporter avec lui une large partie des lingots d’or servant de réserves à la banque centrale tunisienne.
En ce mois de janvier et contre toute attente des experts des capitales occidentales, qui misaient sur la stabilité imposée par le musèlement des populations et des libertés publiques, le peuple tunisien est en train d’adresser, à l’ensemble des peuples en lutte pour la reconquête de leur liberté et de leur autodétermination, et plus particulièrement les peuples d’Afrique, le plus chaleureux message d’espoir, de persévérance, d’audace et de rejet de la postcolonie.
En effet, ce Peuple tunisien a réussi à s’émanciper d’un autocrate dont la violence subtile ne dérangeait ni Paris, ni les grandes capitales occidentales. Cette gouvernance fondée sur la force brute, qui a couté de nombreuses vies humaines sans compter les nombreux prisonniers morts ou handicapés du fait de grève de la faim, laissait les diplomates occidentaux dubitatifs. Cela ne doit pas occulter la corruption d’un clan familial, notamment l’ex-première dame de Tunisie, qui régnait sans partage sur l’économie de son pays depuis 23 ans. Ce qui a fait dire à de nombreux observateurs avertis qu’elle régnait en fait sur son mari et donc sur la Tunisie.
Faut-il croire que cette femme qui n’a jamais été élue pouvait gérer la Tunisie en suivant à la lettre les instructions qui faisaient passer les intérêts étrangers et de la famille de Ben Ali avant ceux des Tunisiens ? Certainement ! En tous cas, les Tunisiens l’ont compris et veulent sanctifier la Tunisie. La résistance du Premier ministre de ne pas céder aux demandes des manifestations témoignent du niveau de « pression extérieure » pour « sauver » ce qui peut l’être. La révolution du Jasmin pourrait finir en réforme de façade si le Peuple tunisien cède et tolère que ceux qui ont soutenu avec zèle le régime de Ben Ali restent aux commandes du pouvoir, même au cours d’une transition de courte durée.
Au terme d’une révolte de la rue de trois semaines dans toutes les villes du pays, le régime de Ben ALI a été mis à bas. Des dizaines de Tunisiens sont morts dans ces manifestations réprimées par des tirs à balles réelles de la police, dont le point culminant a été marqué par des affrontements armés contre le Peuple tunisien qui a finalement contraint Ben ALI à fuir son pays pour se réfugier en Arabie saoudite, après avoir tenté sans succès de rejoindre Paris suite aux promesses non écrites la France.
Pour le Togo, la leçon à retenir est que toute sortie de crise doit se faire par une transition, dans laquelle aucun représentant zélé de l’ancien régime ne doit participer à la construction du futur, et l’organisation des élections où la vérité des urnes et des comptes doivent retrouver leurs droits.
2. EN TUNISIE, L’INSUPPORTABLE SITUATION SOCIALE EST DEVENU EXPLOSIVE !
Le chômage endémique, l’injustice sociale, le pouvoir d’achat érodé, la répression face aux impunités multiples, le silence coupable des religieux et autres chefs traditionnels… conduisent les peuples, en Tunisie comme au Togo, aux extrémités de « l’insupportable » ! Si au Togo, la répression est plus forte et le Peuple plus enclin à des compromis, du fait du choix de l’ex-puissance coloniale pour le statu quo, en Tunisie, la France n’a rien vu venir. Le ministre français des Affaires étrangères, Mme Michèle Alliot-Marie a même proposé de soutenir « l’ordre » en envoyant des renforts à la police locale au moment même où le peuple venait à bout de Ben Ali. Absence de système d’analyse des signaux sociaux et économiques, mépris du Peuple tunisien, aveuglement du fait des intérêts à défendre ? Nul ne sait vraiment ! Mais ce qu’il y a de sûr, l’exécutif français s’est bel et bien trompé dans son appréciation. Ce ne sont pas les tentatives maladroites et cosmétiques de s’aligner sur les positions des manifestants tunisiens, sans d’ailleurs contribuer à faire partir l’équipe ministérielle de Ben Ali, qui va tromper le Peuple Tunisien à la recherche de son autodétermination. C’est donc bien la question de la transition vers une postcolonie qui est en jeu, si l’ancienne équipe de Ben Ali devait rester aux affaires pour faire la transition vers des élections dites libres et démocratiques en Tunisie.
Ce vent de contestation a été le premier du genre de par son ampleur, parce que le Peuple tunisien a pris son courage à deux mains, est sorti dans la rue pour crier sa colère face à l’abus de pouvoir et le mépris du peuple. Les Tunisiennes et les Tunisiens en avaient assez d’être des laissés-pour-compte. En réalité, le nombre très important et très qualifié de la Diaspora tunisienne est rentré en Tunisie et ne supporte plus les injustices criardes et les arbitraires. Elle a renforcé l’audace d’un Peuple tunisien qui a toujours été à la tête du modernisme culturel et politique dans le monde arabe.
En Tunisie, le vent de la révolte s’est transformé en ouragan après la violente répression des émeutes qui avaient éclaté à Sidi Bouzid, après la tentative de suicide d’un jeune intellectuel chômeur qui pour survivre vendait, sans autorisation administrative, des fruits et légumes pour survivre. La police de Ben Ali avait confisqué sa marchandise tout en détruisant son outil de survie. Désespéré, le jeune homme s’était aspergé d’essence s’est immolé par le feu. Cinq jours plus tard, un autre jeune avait mis fin à ses jours en s’électrocutant au contact de câbles électriques. Après ce triste épisode, plusieurs manifestations ont été organisées, dans différentes régions et villes tunisiennes. Ben Ali et son clan ne vaut pas la mort d’un seul Tunisien.
Les manifestants dénonçaient les abus des droits humains, l’absence de liberté, les inégalités inter-régions et le chômage galopant touchant essentiellement les jeunes diplômés de l’intérieur du pays.Les manifestants étaient les oubliés du développement économique tunisien. En réalité, c’est le mépris du Peuple, ce sont les conséquences des changements arbitraires de la Constitution, lui assurant le pouvoir grâce à la contre-vérité des urnes et des comptes, qui ont été sanctionnés par le Peuple tunisien.
La leçon à tirer pour le Togo est que la position de deux poids, deux mesures de la dite Communauté internationale permet d’espérer que la France n’hésitera pas à lâcher ceux-là même, qui oppriment les Togolais et Togolaises. Notamment de par leur politique ségrégationniste qui affecte les richesses uniquement vers le clan de ceux qui sont dans le clan du pouvoir, y compris les ex-opposants venus prendre leur part au système. Si la France a lâché Ben Ali et lui interdit la carte de séjour française, c’est que cela peut aussi arriver au Togo. Il est préférable alors d’organiser une solution pacifique de sortie de crise en s’appuyant sur les propositions que le Collectif pour la Vérité des Urnes a offert pour sortir le pays de la crise d’hypocrisie qui perdure.
3. AU TOGO, L’INSUPPORTABLE SITUATION SOCIALE EST EXPLOSIVE !
On ne peut s’empêcher de comparer cette situation au sort du Peuple togolais, notamment ceux d’entre eux qui le 30 juin 2010 ont été soumis à des hausses de carburants entre 14 % et 36 %. Le 2 juillet 2010, les chauffeurs ont déclenché une manifestation sauvage et violente de protestation dont la répression par les forces de sécurité, a fait deux morts, des blessés et des dégâts matériels importants. Le 1er novembre, le pain a subi une augmentation de 25 %, le prix de la baguette passant d’un coup de 100 à 125 F CFA.
Puis au mois de décembre 2010, c’est au tour de l’électricité de subir d’un coup une augmentation exponentielle du prix du Kilowattheure. Cédant aux injonctions du FMI (Fonds Monétaire International), le ministre des Mines et de l’Energie Dammipi NOUPOKOU a notifié, au cours d’une conférence de presse, une augmentation moyenne tournant autour de 20 %. Le FMI exigerait du Togo, de « pratiquer la vérité des prix », dans la vente des services publics à ses populations. Cette exigence ferait partie des préalables à l’aboutissement de la réduction de la dette publique togolaise inscrite à l’ordre du jour de l’initiative PPTE (Pays Pauvres Très Endettés). En clair le FMI demande l’arrêt des subventions au secteur énergétique. Mais le FMI oublie singulièrement de parler de « vérité des urnes et de vérités de comptes » qui sont les vrais préalables à l’organisation d’une économie et à l’émergence de la vérité des prix dans un marché régulé et compétitif.
Par ailleurs dans une étude datée de juin 2010, la Banque Mondiale (BM) a estimé que le Togo était l’un des pays de la sous-région ouest africaine où le coût élevé de l’électricité constitue « l’une des contraintes qui entravent le fonctionnement et la croissance des entreprises». Ainsi, le FMI ne cherche qu’à se faire rembourser ses prêts ou plus particulièrement les intérêts iniques grevant le capital de la dette alors que la Banque mondiale sous l’impulsion de son Président Robert Zoellick se contente de constater les points d’étranglement du secteur privé. A ce rythme et avec le refus du Gouvernement d’écouter les conseils des expertises togolaises tant au pays que dans la Diaspora, il n’est pas étonnant que les performances du Togo soient médiocres, largement en dessous de la moyenne des pays de l’Afrique de l’ouest.
Faut-il rappeler qu’au Togo, le salaire minimum autour de 28.000 F CFA n’a pas été revalorisé depuis 2008 malgré les nombreuses manifestations des syndicats et du corps social.
Aussi, la leçon de l’expérience tunisienne pour le Togo est de comprendre que si la pression sociale devient insupportable, c’est d’abord du fait d’une mauvaise gouvernance des dirigeants, de leurs clans et d’une partie de l’armée non-républicaine, qui continuent de ponctionner une partie des fruits de la croissance économique et refusent de la partager avec les populations. C’est donc bien le mépris du peuple togolais. Mais, du fait de son histoire et des pressions religieuses, le Peuple togolais ne conçoit pas que le fait de s’immoler par le feu, de faire une grève de la faim dans les prisons togolaises, ou encore de s’attaquer directement aux intérêts des clans de ceux qui s’accaparent arbitrairement et par la force les biens du pays, justifie qu’un seul Togolais meure. Les pressions sont fortes pour apaiser les rancœurs, ce qui segmente la violence, et la rend imprévisible.
La leçon à tirer de l’expérience tunisienne pour le Togo, est que malgré l’ampleur de la révolte de la rue dite « la révolution du Jasmin », c’est bien manifestement le refus de l’armée républicaine de tirer sur les populations qui a permis le changement en cours. Aussi, tant que le Togo aura parmi ses militaires une majorité de militaires non-républicains faisant passer leurs propres intérêts, celui des étrangers ou celui de leur clan, avant ceux du Peuple togolais, les changements culturels qui précèdent tout changement de système prendront encore un peu temps pour s’imposer. Surtout que la corruption – la petite et la grande – est instaurée comme un sport national au Togo et qu’une bonne partie de la population semble ne pas la condamner au cas où elle devrait en profiter personnellement. Donc, une partie du peuple togolais n’est pas aussi neutre dans le sort qui est réservé au Togo. En faisant la moyenne des comportements éthiques, des volontés réelles de changement et d’alternance, des égos démesurés, des opportunismes des dirigeants de l’opposition comme du parti au pouvoir et enfin, des arrogances forgées dans le soutien inconditionnel des intérêts de la Françafrique de la postcolonie, le peuple togolais doit faire son autocritique en profondeur. Cela relève de l’exorcisme culturel et politique.
Car comment peut-on expliquer que le gouvernement togolais se retrouve à être inscrit sur la liste des pays qui acceptent de faire la guerre contre le Peuple de Côte d’Ivoire alors que c’est la même Cour constitutionnelle qui a annoncé un « vrai-faux » résultat censé représenter la vérité des urnes, tant au Togo qu’en Côte d’Ivoire ? Le Togo a-t-il des leçons à donner à la Côte d’Ivoire en matière de démocratie, de vérité des urnes et des comptes, en matière de transparence ? Quel manque de courage ! Quelle honte pour un Togo éthique qui n’a pas les dirigeants qui puissent lui faire honneur !
4. AU TOGO COMME EN TUNISIE, LA COLERE A LES MÊMES RAISONS : LE VIOL DE L’ESPOIR !
Nous venons de voir en Tunisie, que la culture de la corruption ne permet pas de rester au pouvoir d’une manière indéterminée, malgré les changements intempestifs et arbitraires de la Cour constitutionnelle pour laisser un Président perdurer au pouvoir ad aeternam.
Contrairement à ce que nous affirment certaines têtes «unilatéralement bien-pensantes » et venant d’horizons divers, la publication par certains journaux des révélations du site internet Wikileaks permet d’apprécier les dérives autocratiques à travers le Monde et les exaspérations qui s’en suivent au niveau de la population. L’Ambassade des Etats-Unis à Tunis 1a transmis au département d’Etat une description instructive sur l’accaparement de la richesse nationale par la famille et le clan de Ben Ali au pouvoir 2.
Les appréciations transmises par les diplomates américains sont très précises : « La famille élargie du président Ben ALI est fréquemment présentée comme le carrefour de la corruption en Tunisie. Souvent qualifiée de quasi mafia, une vague allusion à « la Famille » suffit à indiquer de laquelle vous voulez parler »… « Si certaines critiques à l’égard du clan TRABELSI semblent émaner d’un mépris pour leur comportement de nouveaux riches, les Tunisiens remarquent également que leurs méthodes musclées et leur abus flagrant du système en font facilement des objets de détestation »… « Il est toutefois difficile de croire que Ben ALI ne soit pas au courant, ne serait-ce que vaguement, du problème croissant de la corruption »… « Les contacts que nous avons s’empressent de souligner que beaucoup de ces emprunts sont souscrits par de riches hommes d’affaires tunisiens qui utilisent leurs liens avec le pouvoir pour ne pas les rembourser […]. Le manque de contrôle fait du secteur bancaire un réservoir inépuisable de bonnes affaires, et les histoires d’opérations douteuses réalisées par la « Première Famille » sont nombreuses ».
« Si les Tunisiens digèrent déjà mal la corruption courante, les abus de la famille du Président Ben ALI suscitent leur fureur. Alors que la population fait face à une montée de l’inflation et à un fort taux de chômage, l’étalage de richesses et les rumeurs persistantes de corruption ne font qu’alimenter son ressentiment »… « La corruption est un problème à la fois politique et économique. Le manque de transparence et de responsabilité qui caractérise le système politique tunisien porte aussi gravement tort à l’économie en dégradant les conditions de l’investissement et en alimentant une culture de la corruption. En dépit de ce que l’on entend dire sur le miracle économique tunisien et les statistiques positives, le fait que les investisseurs tunisiens eux-mêmes se tiennent en retrait en dit long. La corruption est un problème énorme et flagrant, mais nul n’est prêt à en reconnaître publiquement l’existence ».
Mis à part les noms des protagonistes, une observation aussi attentive de la manière dont sont gérés l’économie et l’Etat togolais, pourrait conduire les diplomates en poste à Lomé à transmettre des informations qui pourraient être concordantes en de nombreux points. La description faite à Tunis illustre la parfaite similitude de la situation que vit le Peuple togolais en raison de la gouvernance pratiquée par le pouvoir et le clan élargi de Faure Gnassingbé.
La leçon pour les Togolais et Togolaises est d’éviter de tomber dans le piège du « diviser pour régner » que le clan au pouvoir réussit avec beaucoup de dextérité en misant sur l’appât de l’argent, des titres, de la délation, de l’égo surdimensionné de certains opposants politiques et de l’« assurance-garantie » de voir l’impunité et l’arbitraire être protégés par la Communauté internationale, notamment les réseaux de l’ex-puissance coloniale. Le Peuple togolais pourrait commencer à se chercher d’autres acteurs pour défendre ses intérêts plutôt que de se reposer sur ceux qui ont passé leur temps à les tromper. En réalité, que ce soit directement ou indirectement, officiellement ou officieusement, dans les réseaux occultes ou ayant pignon sur rue, tous ces protagonistes qui s’affichent parfois comme les voies de l’alternance, sont des usurpateurs de l’espoir du Peuple togolais. C’est tout simplement un viol de l’espoir du Peuple togolais. Les Tunisiens ont dit NON ! Les Togolais ont besoin d’une armée républicaine pour que leur espoir puisse se transformer en réalité, « Inch Allah » auraient dit certaines obédiences religieuses ! Il faut donc retrouver dans les codes pénal et civil du Togo, les sanctions qui sont réservées aux « violeurs d’espoirs » du Peuple Togolais.
5. AU TOGO COMME EN TUNISIE, DES REPUBLICAINS AU SEIN DE L’ARMEE !
Lorsque Ben ALI a convoqué Rachid AMMAR, le chef d’état-major de l’armée de terre, pour lui demander de faire intervenir l’armée pour écraser le mouvement de contestation populaire, celui-ci a signifié : « D’accord pour déployer les soldats, afin de calmer la situation, mais l’armée ne tire pas sur le peuple » 3.. Ce qui lui a valu d’être immédiatement limogé et assigné à résidence par Ben ALI, avant d’être rétabli dans ses fonctions aussitôt après que celui-ci ne fut contraint à l’exil. S’agirait-il alors d’un coup d’Etat des militaires républicains en Tunisie ? Ces militaires républicains ont par ailleurs renouvelé à plusieurs reprises leur soutien au Peuple Tunisien. La majorité de militaires républicains peut donc soutenir l’émergence d’une VRAIE démocratie en Afrique, à l’image du courage du Peuple tunisien et de son armée.
Il faut d’abord d’étonner du silence assourdissant des dirigeants africains, hormis celui du Guide Libyen Mouammar Kadhafi qui offert à Ben Ali de venir se reposer en Libye. Ce dernier a décliné et préfère rester en Arabie Saoudite. La « confiance règne donc ! ». Au moins, la révolution tunisienne a eu un effet manifeste en Libye. Le dirigeant libyen a décidé immédiatement la baisse de toutes les denrées essentielles dans le pays, ce qui est possible avec la manne pétrolière. En réalité, si les changements ne sont pas possibles en Libye comme au demeurant au Togo, c’est que la notion de citoyenneté n’hésite pas. Au Togo, « on » appartient à telle ou telle région, en Libye, on appartient à telle ou telle « tribu », plus qu’à une nation avec une conscience nationale. Comme l’opposition n’existe pratiquement pas en Libye au plan national, alors que celle du Togo passe son temps à refuser de s’organiser pour se mettre au service de la population, il va de soi que dans une telle constellation, la conscience nationale est absente. Ce qui empêche les mouvements de masse organisée sans délation, et permet la valorisation des traitres africains, ce que Frantz Fanon a rappelé déjà en 1960 4.
Ainsi l’armée républicaine de Tunisie aura joué un rôle déterminant dans le dénouement de la crise tunisienne. Sa retenue, fondée sur la défense des intérêts du peuple tunisien, a permis de soutenir le mouvement de contestation et surtout d’éviter un bain de sang. En se positionnant clairement du côté de la population en attendant sa position sur les personnalités de la transition, l’armée républicaine a joué a rendu possible le départ de Ben ALI malgré les injonctions d’une certaine communauté internationale.
Le nouveau Chef d’Etat-major des FAT (Forces Armées Togolaises) Atcha TITIKPINA devrait s’imprégner de l’Etat d’esprit de son homologue tunisien Rachid AMMAR et inculquer à ses troupes la culture de la « retenue absolue » lors des opérations de maintien de l’ordre, au lieu des interventions musclées et intempestives de ses éléments lors de chaque manifestation pacifique qui se déroule aujourd’hui au Togo.
La leçon à retenir pour le Togo est qu’après plus de neuf mois de résistance citoyenne, la reprise des marches de protestation à l’initiative du FRAC et ses alliés – avec pour toile de fond une situation sociale qui ne cesse de se détériorer en cultivant les ferments de la révolte et de l’indignation – maintient intact le niveau de la mobilisation citoyenne. C’est cette mobilisation permanente, fondée sur la recherche de l’autodétermination avec ou sans les dirigeants politiques togolais, qui servira de levain pour un retour de la transparence. C’est en cela que les chances d’aller vers une alternance politique au Togo, avec de nouveaux acteurs permettra de relancer l’espoir d’un Togo nouveau. A ce titre, l’expérience tunisienne permet de comprendre que le Togo doit passer par une transition où tous les acteurs de l’ancien régime doivent avoir la décence de s’éclipser.
6. RETROUVER UNE CANDIDATURE COMMUNE
En l’absence d’une stratégie commune et d’un candidat commun, l’opposition togolaise est, à l’instar de celle de Tunisie, face à un défi historique.
Pour les uns, l’opposition tunisienne doit s’élever à la hauteur de cette révolution en cours du « bas vers le haut » faite par un Peuple longtemps bâillonné et opprimé. Pour les autres, l’opposition togolaise doit se montrer digne de la confiance majoritaire que la vérité des urnes ne peut sérieusement accorder à ceux qui ont bâillonné et opprimé le Peuple togolais depuis plus de 43 ans.
Ce qui a été possible en Tunisie l’est aussi au Togo. Il ne suffit plus aujourd’hui de répéter Union, Union, Union, comme des moutons bêlants dans chaque discours. Il faut construire l’Union par des actes et surtout lui donner une réalité ! Celle-ci passe par le recensement et l’implication de la Diaspora togolaise, un partenariat intelligent entre l’armée républicaine et le Peuple togolais, avec ou sans les dirigeants politiques qui ne sont pas tous à la hauteur de ce qu’exige le Peuple togolais en matière d’autodétermination.
Plus que jamais, l’avenir du Peuple togolais est bien entre ses seules mains !
Coordinateur international provisoire
Dr Yves Ekoué AMAÏZO |
Responsable Communication Provisoire
François FABREGAT |
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Notes:
- Voir un câble de Wikileaks 08TUNIS679 classé SECRET, voir < http://wikileaks.ch/cable/2008/06/08TUNIS679.html> et daté du 23 juin 2008 (13h01). ↩
- Voir <http://www.lemonde.fr/documents-wikileaks/article/2011/01/15/wikileaks-corruption-en-tunisie-ce-qui-est-a-vous-est-a-moi_1465990_1446239.html> et le site de l’Ambassade des Etats-Unis en Tunisie <http://www.state.sgov.gov/p/nea/tunis/index.cfmGODEC> ↩
- Nawaat.org, « Rachid Ammar, homme fort de la Tunisie : « L’armée ne tire pas » », in Nawaat.org, 17 janvier 2011, voir « <http://nawaat.org/portail/2011/01/17/rachid-ammar-homme-fort-de-la-tunisie-%C2%AB-larmee-ne-tire-pas-%C2%BB/> , accédé le 18 janvier 2011 ↩
- Frantz Fanon, “La mort de Lumumba : pouvions-nous faire autrement ?” in Afrique Action, n°19, 20 février 1960 repris dans “Pour la Révolution Africaine” (1964) ; Voir extrait : « Ce que Fanon pensait de l’ONU… », publié vendredi 7 janvier 2011sur « http://pyepimanla.blogspot.com/2011/01/ce-que-fanon-pensait-de-lonu.html », accédé 21 janvier 2011. ↩