La démocratie autrichienne et son système fédéraliste avec neuf Etats sont des expériences politiques qu’il convient de suivre de près car elles pourraient servir de modèle pour certains pays africains épris d’éthique, de transparence, de respect du choix des électeurs et donc de la vérité des urnes. Sur les 6 millions d’électeurs, plus de 71,4% des Autrichiens ont accompli leur devoir électoral deux ans avant la fin normale d’une législature de quatre ans. Les dernières élections législatives ont eu lieu le 1er octobre 2006. Le gouvernement de coalition avait pris fonction au début janvier 2007.
1. L’Europe divise l’Autriche
En effet, plus de 6 millions d’Autrichiens ont élu le 28 septembre 2008 les 183 membres de leur Conseil national (chambre basse du parlement) dans le cadre d’une élection législative anticipée. En juillet 2008, la grande coalition entre le parti social-démocrate d’Autriche (SPÖ-Sozialdemokratische Partei Österreichs) et le parti populaire autrichien (ÖVP-Österreichische Volkspartei) a éclaté. Le chef du parti SPÖ et Chancelier d’alors, Alfred Gusenbauer (SPÖ) a été remercié par son propre parti et remplacé par le nouveau chef du parti SPÖ, Werner Fayman, ministre du transport, de l’innovation et de la technologie dans le gouvernement sortant . Le parti ÖVP de Wilhelm Molterer, Vice-Chancelier et Ministre des finances dans le gouvernement sortant, a déclaré le 7 juin 2008 que son parti quittait la coalition gouvernementale. Lui et son parti passent donc généralement auprès de la population comme les initiateurs de la fin de la coalition.
Il importe néanmoins de rappeler que le Chancelier fédéral Alfred Gusenbauer avait semble-t-il omis d’associer en juin 2008 le Vice-Chancelier et son parti ÖVP à la décision du SPÖ de soumettre au référendum les futurs dossiers européens, notamment l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne, les modifications à apporter au Traité de Lisbonne, etc. Le fait que le SPÖ ait décidé de soumettre toutes les décisions futures du SPÖ sur l’Europe au référendum populaire rapprocherait ce parti des positions eurosceptiques des partis d’extrême droite (FPÖ et BZÖ), suivant en cela la position d’une grande majorité des Autrichiens. Ainsi, la formation du nouveau gouvernement risque de se jouer sur une alliance autour des pro-européens ou les eurosceptiques et la capacité des partis auxiliaires à harmoniser leur position avec celle de l’un ou l’autre des deux partis susceptibles d’être chargés de former un nouveau gouvernement. Cela pose le problème de l’adaptation de l’Autriche à un espace interdépendant qu’est l’Union européenne .
Les tensions entre les deux partis de la coalition ont commencé dès le début 2008 avec une enquête parlementaire lancée par le SPÖ qui mettait en cause le ÖVP au motif que ce parti aurait abusé de ses prérogatives de contrôle au ministère de l’intérieur au profit des intérêts du parti ÖVP . A cette atmosphère de suspicion s’est rajoutée la nouvelle crise sur l’Europe. En effet, une campagne assez virulente dans un journal local en juillet 2008 (Kronen Zeitung), initiée par des membres du SPÖ tendant à mettre en cause les bénéfices réels de la présence de l’Autriche dans l’Union européenne, a conduit, entre autres, au clash de la grande coalition. Ceci est d’autant plus surprenant que le SPÖ et le ÖVP avait auparavant un consensus quasi parfait sur le dossier européen. Cela n’a pas empêché le 9 juillet 2008 le conseil national autrichien de voter à l’unanimité sa propre dissolution, ce qui a ouvert la voie aux élections législatives du 28 septembre 2008. La vraie question politique est de savoir si le SPÖ est devenu eurosceptique ou s’il s’agissait simplement d’une tactique électorale pour s’aligner sur les positions d’une grande majorité d’Autrichiens, ce qui lui a permis d’arriver en tête de ces élections législatives.
2. Immobilisme de la coalition gouvernementale sanctionné
L’union européenne est donc bien l’une des causes premières de la déstabilisation de la coalition SPÖ/ÖVP. Pourtant en filigrane, les raisons de cette rupture sont nombreuses et portent sur les choix de sociétés. On pourra citer : la perte de pouvoir d’achat, la viscosité décisionnelle liée à la cohabitation des deux grands partis, les refus de concessions de part et d’autres, l’impossible réforme fiscale notamment la diminution de la taxe sur la valeur ajoutée, la montée du chômage (4,8% en 2006, estimation autour de 4,4% en 2007 et 3,7% en 2008) et de l’inflation (entre 3,2% et 4,1% en 2008 ) alors que la croissance économique de 3,2% en 2006 et estimée à 3,3% en 2007 risque de tomber à 2,2% en 2008 et à 1,4% en 2009 . Il faudra rajouter les problèmes de financement de la formation, du savoir et de l’innovation avec entre autres l’abolition des droits universitaires, mais aussi les difficultés du secteur santé avec des prises en charge difficiles notamment pour le secteur dentaire, de l’assurance-maladie, la sécurisation des retraites, la réduction des taxes sur les médicaments ou encore les inégalités dans les avantages systémiques perçus par certains grâce à leur relation avec les grands partis… Sur tous ces points, le consensus fait encore défaut avec la population autrichienne.
C’est donc l’absence de réponses claires, crédibles et acceptées sur l’ensemble de ces points entre les partis de l’ex-coalition et la population qui a conduit à l’inquiétude puis à une forme de désarroi des Autrichiens qui ont alors fait confiance aux propositions des populistes d’extrême-droite. Cette irritation s’est transformée en vote sanction conjoncturel d’autant plus que la crise financière américaine est venue rajoutée à l’inquiétude des épargnants et des retraités. Donc les électeurs autrichiens ont voulu faire échec à l’immobilisme d’une coalition qui ne fonctionnait pas de manière efficiente. Sur un autre plan, les grands partis ont perdu le contact avec l’Autrichien de condition modeste et ne semblent pas avoir pris en compte la montée d’une certaine pauvreté qui prend la forme de manque à gagner lié à la perte du pouvoir d’achat. Pourtant, l’économie autrichienne se porte relativement bien par rapport à d’autres pays européens même si l’Autriche est en train de perdre du terrain au niveau des capacités productives depuis 2006. Alors que la balance commerciale autrichienne reste positive (estimée à 1,8 milliards de USD en 2007 et 1,3 milliards de USD en 2008 ), la part de l’industrie dans le produit intérieur brut est en train de chuter passant de 7,2% en 2006 à 5,7% en 2007 et est estimé tomber à 1,9% en 2008 . En conséquence, le chômage risque d’augmenter et les emplois productifs se raréfier en Autriche surtout si les délocalisations d’entreprises se font vers les nouveaux pays membres de l’Union européenne. On comprend donc pourquoi certains Autrichiens et quelques partis deviennent des eurosceptiques. Pourtant, plus de 72,3% des exportations de l’Autriche se font avec l’Union européenne à 27 dont près de 30,1% avec l’Allemagne, 8,9% avec l’Italie, 5,1% avec les Etats-Unis et 4% avec la Suisse .
L’ex-chef de l’ÖVP Wilhem Molterer, Vice-Chancelier et ministre des finances qui a succédé, quelques années plus tôt à l’emblématique ex-Chancelier Wolfgang Schüssel, a remis sa démission le 29 septembre 2008 suite aux élections législatives de dimanche 28 septembre 2008. Il a été remplacé à la tête du parti ÖVP par Josef Pröll dès le 29 septembre 2008. En effet, les résultats de ce parti ont été considérés comme les moins glorieux depuis 1945. Pourtant, l’Autriche est le premier pays européen à autoriser le vote des jeunes à partir de 16 ans, devenu l’âge légal de vote. Il semble que cela a eu un impact sur les résultats même si d’après l’Institut de relations internationales et stratégiques français, 25% des jeunes autrichiens (16-18 ans ) ont choisi de voter pour les deux partis de l’extrême droite . Des estimations estimeraient que plus de 30% des jeunes de moins de 30 ans auraient préféré donner leur voix aux partis de l’extrême-droite. Est-ce un signe aussi d’un conflit de génération au sein des partis politiques ?
Les partis traditionnels (SPÖ et ÖVP) apparaissent dans l’opinion comme des partis qui n’arrivent pas à prendre des décisions rapidement. Les bagarres à la tête de l’exécutif (Chancelier et Vice-Chancelier) ont donné l’impression que le fonctionnement normal de l’Etat était bloqué par des interminables rixes au moment des arbitrages politiques.
En réalité, toutes les cohabitations politiques se passent plutôt bien lorsque le pays est économiquement prospère. En cela, les anciennes grandes coalitions politiques se sont révélées plutôt fructueuses en Autriche. Mais rapidement les rentes de situation pour les uns dans les interstices de l’Etat, et les faveurs accordés au patronat sous les deux législatures de Wolfgang Schüssel , n’ont pas produit les effets escomptés. En effet, plusieurs entrepreneurs autrichiens de haut rang sont allés investir dans les nouveaux pays européens où la main d’œuvre et les taxes étaient plus attrayantes. Cela a contribué à la montée du chômage en Autriche que certains estiment autour de 5% de la population d’ici 2010 si rien n’est fait pour créer plus d’emplois en Autriche.
Les performances de l’Autriche à l’exportation ne sont pas ressenties par la grande majorité de la population. Il convient de rajouter à cela la perte du pouvoir d’achat qui a été fortement ressentie notamment tant auprès des populations jeunes entrant dans la vie active, que la classe moyenne productive fortement taxée et les personnes âgées, notamment les retraités dont les revenus ont fondu comme neige. En réponse, c’est la grogne ! Il y a comme une sorte de perte de confiance dans la social-démocratie comme solution aux problèmes des Autrichiens. Il ne s’agit là que d’une erreur de parallaxe et les partis responsables devront s’atteler à corriger cet état de fait. Avec un déficit du budget autour de -0,8% du produit intérieur brut (PIB) en 2008 et de fortes chances d’atteindre -1,3% du PIB en 2009 avec une politique de relance de la consommation qui passe par des distributions d’avantages et non de véritables créations de valeur ajoutée, l’Autriche risque de repousser les réformes structurelles après 2010. Le langage de vérité du candidat Wilhelm Molterer ne semble pas avoir été entendu. Il est vrai qu’il est difficile en période pré-électorale d’accorder de parler de restrictions alors que d’autres annoncent des faveurs qui risquent de grever le budget de l’Etat et d’augmenter la dette publique de l’Etat autrichien. Comme le Vice-Chancelier Molterer était aussi le ministre des finances, l’essentiel des rancœurs des Autrichiens s’est porté sur lui, comme celui par lequel les blocages arrivaient. Pourtant les responsabilités sont bien diluées sur les deux partis traditionnels. Le fait pour les électeurs autrichiens de ne pas avoir donné une majorité claire à l’une ou l’autre des partis traditionnels risque d’ouvrir à nouveau une période de cohabitation et d’expérimentation non plus à deux mais à trois partis où les rapports de force changeants risquent de ne pas favoriser la stabilité du futur gouvernement.
3. Le changement à la tête des partis de la grande coalition au pouvoir
En poussant les Autrichiens à clarifier cette situation puisque la rupture de la grande coalition est imputée au parti ÖVP, la sanction a été immédiate. Les Autrichiens ont clairement confirmé leur volonté : le rejet du mode de gouvernance des deux partis traditionnels. Le SPÖ a reculé de 5,7% par rapport aux dernières élections législatives alors que le ÖVP a reculé de 8,7%. Il semble d’ailleurs que d’après le vote des électeurs, les préoccupations du parti des Verts (Grüne) semblent avoir été partiellement prises en considération par les deux grands partis traditionnels. C’est cela qui semble avoir conduit à un léger recul du parti des Verts de 1,3% par rapport aux dernières élections de 2006. Il faut noter la présence d’autres partis en Autriche, comme le Forum libéral, le Forum citoyen, le Parti communiste d’Autriche et divers petits partis. Aucun d’entre eux n’est parvenu à se hisser au-delà des 4% des voix des électeurs nécessaires pour entrer au Conseil national, la chambre basse du parlement.
En attendant le décompte des votes par procuration ou correspondances pour voir les résultats définitifs, les principaux partis aux élections législatives autrichiennes ont obtenu les scores suivants (voir tableau ci-après) avec une percée des partis d’extrême-droite.
Élections législatives anticipées autrichiennes du 28 septembre 2008
Élections législatives anticipées autrichiennes du 28 septembre 2008
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Principaux Partis politiques représentés au parlement | Sigles | Chef de Parti au
29 septembre 2008 |
Couleur du parti | Résultat
(en %) Election du 28 sept. 2008 |
Ecart avec précédente élection du 1er octobre 2006 (en %) | Représentation au parlement sur 183 sièges
Election du 28 septembre 2008 majorité: 92 |
Modification au parlement par rapport l’élection 1er oct. 2006 |
Parti Social-Démocrate d’Autriche | SPÖ | Werner Fayman, Sozialdemokratische Partei Österreichs | Rouge | 29,71 | -5,63 | 58 | -10 |
Parti Populaire Autrichien | ÖVP | Josef Pröll, Österreichische Volkspartei) | Noir | 26,61 | -8,72 | 50 | -16 |
Parti Autrichien de la Liberté (extrême-droite) | FPÖ | Heinz-Christian Strache, Die Freiheitliche Partei Österreichs | Bleu | 18,01 | +6,97 | 35 | +14 |
Alliance pour le Futur de l’Autriche (extrême-droite, dissidence FPÖ) | BZÖ | Jorg Haider, Bundnis Zukunft Österreich | Orange | 10,98 | +6,87 | 21 | +14 |
Les Verts-L’Alternative verte | Grüne | Alexander Van der Bellen | Vert | 9,79 | -1,26 | 19 | -2 |
Source: A partir de Die Presse, http://diepresse.com/portal/fragments/templates/wahl/N200809/index.jsp |
4. Victoire et banalisation des partis d’extrême droite
La victoire des partis d’extrême droite sonne comme un vote sanction. Les Autrichiens ont en fait obtenu ce qu’ils souhaitaient: une refonte en profondeur des partis traditionnels SPÖ et ÖVP qui voient leur chef respectif être remplacé. Bien que certains estiment que c’est la façon de faire la politique par les deux grands partis majoritaires qui a été sanctionné, il semble qu’il y a une véritable soif de “nouveauté”, de nationalisme et de renouvellement, voir de rajeunissement du personnel politique. Le système électoral indirect fait la part belle au choix effectués au sein des partis politiques. Paradoxalement, il semble même que les chefs de partis soient choisis plus sur la base de la volonté des grands financiers du parti que sur la base d’un véritable choix démocratique des militants des partis. Dans les partis traditionnels, il arrive que ce système finisse par ne plus refléter la volonté réelle des militants de base. Si ce point n’est pas pris en compte sérieusement, la montée en force de l’extrême-droite risque d’être durable et devenir préjudiciable à terme à l’Autriche qui pourrait voir le premier Chancelier d’extrême-droite émerger lors des prochaines élections législatives si BZÖ et FPÖ et autres divers finissent pas oublier leur conflit de personnes et s’allient pour accéder au pouvoir.
Le problème des résultats législatifs du 28 septembre 2008 et l’arrivée de nouvelles têtes pour négocier la formation du gouvernement pourraient ouvrir une période de négociation longue dont l’issue peut réserver des surprises. Les dernières négociations de l’après 1er octobre 2006 ont duré près de 99 jours. En effet comme le chef du SPÖ a exclu de former une coalition gouvernement avec les partis d’extrême droite et ne souhaitaient pas coopérer qu’avec une nouvelle direction du ÖVP, les possibilités de Werner Fayman se résume à refaire une grande coalition sans les extrêmes droites. En effet, une alliance sans le parti ÖVP ferait du SPÖ un parti minoritaire dans les cas d’alliance, ce qui ne permet pas de gouverner de manière stable. Par ailleurs, les deux partis d’extrême-droite ont fait une campagne anti-européenne, ce qui risque d’entrer en contradiction avec la position officielle de l’Autriche et des deux partis ÖVP et SPÖ qui ne voient pas l’avenir de l’Autriche sans l’Union européenne. Pourtant les grands gagnants des élections autrichiennes du 28 septembre 2008 sont bien les deux partis d’extrême droite: le FPÖ et le BZÖ (voir graphe ci-haut).
5. Vers des alliances “triangulaires” gouvernementales crédibles
Une telle configuration pourrait être interprétée par la population autrichienne comme une non-prise en compte de la montée du FPÖ et de la BZÖ, puisque les deux partis d’extrême droite totalisent à eux deux 28,99% des voix et seront représentés par 56 députés au parlement, et deviennent ainsi de facto la deuxième force politique du pays. C’est oublier la guerre fratricide que ce livrent les deux chefs de ces partis. Il ne faut pas exclure que les puissances d’argent pourraient circonscrire cette guerre si une réunification hypothétique avait lieu et si cette nouvelle alliance se voyait confier par le Président de la République, garant du respect de la Constitution, la charge de former un gouvernement minoritaire. En réalité et paradoxalement, si le SPÖ n’arrive pas à trouver un terrain d’entente avec le ÖVP pour former un gouvernement, il n’est pas impossible que le Président de la République soit amené à demander alors au parti ÖVP de s’en charger. Avec le nouvel homme fort en la personne de Josef Pröll, il faut s’attendre à des négociations tendues où les concessions du parti ÖVP risquent d’être rares au point d’aboutir à une impasse pour le SPÖ. Le SPÖ devra alors revoir ses positions avec l’extrême-droite s’il veut rester maître de la constitution du futur gouvernement.
Le Président de la République n’aura alors d’autres choix que de demander à l’ÖVP de faire sa proposition de gouvernement face aux contraintes que va rencontrer le SPÖ, à moins que ce parti (SPÖ) ne change sa position à la dernière minute et décide de travailler avec l’extrême droite dans des conditions qui risquent de ne pas être stables. Toutes les formes d’alliances semblent alors possibles pour l’ÖVP avec une probabilité plus sérieuse pour les deux possibilités d’alliances suivantes :
1. 1e possibilité d’alliance opérationnelle : ÖVP avec SPÖ et FPÖ mais sans BZÖ de J. Haider et permet d’avoir une majorité parlementaire confortable mais instable de 143 parlementaires. Il y a une plus grande chance de volatilité car le SPÖ et le FPÖ disposeraient tous deux d’une véritable minorité de blocage, ce qui empêcherait le ÖVP de mettre en œuvre son programme et on assisterait assez rapidement à des difficiles tours de passe-passe pour les arbitrages, notamment budgétaires. Cette coalition ne se passerait pas sans de véritables conflits.
2. 2e possibilité d’alliance opérationnelle : ÖVP avec SPÖ et avec les Grüne, ce qui permet d’avoir une majorité parlementaire avec 127 parlementaires où la minorité de blocage se fera plutôt dans les rangs du SPÖ. Cette configuration apparaît plus stable et permettra au parti des Verts autrichiens d’accéder enfin au pouvoir.
Il importe néanmoins de se rendre compte des chances de coalition gouvernementales existantes et surtout les chances d’avoir un gouvernement stable pendant les quatre années de la prochaine législature (voir les estimations d’Afrology dans le graphe ci-après).
En effet, avec la crise provoquée avec l’Union européenne par l’entrée au gouvernement du Jörg Haider en 2000, à l’époque chef du FPÖ, il faut noter le silence de l’Union européenne et une volonté non-écrite de tenter de ne pas renouveler l’expérience de boycottage avec les candidats choisis pas les électeurs autrichiens. C’est aussi cela la démocratie. D’ailleurs Jorg Haider ne se fait pas d’illusion sur cette question puisqu’il a préféré sagement mettre l’accent sur son futur politique au niveau de sa région (Länder), la Carinthie, quitte à tirer les ficelles en catimini au niveau fédéral. Ainsi, avec un gouvernement d’alliance forte entre ÖVP, SPÖ et Grüne et des personnalités indépendantes et libres de l’appareil de leur parti d’attache, il n’est pas impossible que ce soit le parti ÖVP qui ait le plus de chance pour former un gouvernement minoritaire qui pourrait se révéler être stable si les personnalités choisies misent sur la compétence et non sur leur capacité d’obstruction, ce que les Autrichiens ont rejeté en bloc.
Le président autrichien, Heinz Fischer, exerçant sa fonction depuis le 8 juillet 2004 pour une durée de 6 ans et membre du SPÖ, n’est pas opposé à l’avènement d’une coalition gouvernementale triangulaire. Un gouvernement tripartite va contraindre le SPÖ à s’ouvrir au FPÖ ou au BZÖ ou alors c’est au ÖVP qu’il appartiendra de démontrer sa capacité d’organisateur d’un consensus qui ne se fait plus à trois, mais à quatre… le quatrième non représenté est l’Union européenne qui ne manquera pas de faire ses pressions discrètes pour que des “eurosceptiques” ne viennent pas renforcer les difficultés actuelles d’organisation de l’Europe à 27.
Wolfgang Schüssel, l’ancien Chancelier, n’a pas dit son dernier mot et son expérience passée permet de croire que l’ÖVP dirigé par Josef Pröll va mettre la barre très haute dans des négociations sur une coalition à deux SPÖ et ÖVP, dont ne veulent plus les électeurs autrichiens. Ainsi, le blocage d’une refondation de la grande coalition à deux avec le SPÖ comme Chancelier risque de transformer le ÖVP en faiseur de Chancelier en Autriche, un Chancelier minoritaire. Si le parti ÖVP réussit à prendre la chancellerie alors ce sont les thèses des pro-européens qui vont triompher. Cela peut ouvrir la voie au choix de personnalités autrichiennes pour la nouvelle présidence de l’union européenne dont les termes peuvent passer de 6 mois à 24 mois ou plus.
6. Migration, intégration et emplois
Enfin, si ce modèle tripartite réussi en Autriche, il pourra alors avoir des chances d’être exporté dans l’Union européenne et pourquoi pas en Afrique. Ce qu’il faut par contre éviter est bien la banalisation du populisme irresponsable et de l’extrême-droite qui utilisent la dialectique de l’immigration illégale et le migration légale comme fonds de commerce politique à l’instar de ce qui se passe dans les pays voisins comme Malte, Danemark, l’Italie, les Pays-Bas, la Belgique, la France, la Suisse mais aussi la Roumanie et la Bulgarie. L’Afrique n’est pas à l’abri du phénomène puisque les effets collatéraux de l’immigration sont liés principalement à la perception de la contraction des emplois disponibles au plan national. Les poussées xénophobes récentes en Afrique du Sud ne peuvent que rappeler que le phénomène n’est pas qu’autrichien. Par contre, oublier l’intégration et ne se focaliser que sur la chasse aux immigrés en situation irrégulière relève bien du populisme. Il importe néanmoins de donner plus de rôle aux femmes, qui étaient au nombre de 32% des sièges des deux chambres du parlement en 2007, bien au-dessus de la moyenne européenne qui est de 25%. Il convient d’espérer qu’à l’avenir elles occuperont plus de responsabilités pour influence autrement l’avenir de l’Autriche, aujourd’hui dominé par les hommes.
Dr. Yves Ekoué Amaïzo
Directeur du groupe de réflexion, d’action, l’influence “Afrology”
1er octobre 2008
Notes :
1. Die Presse,”Vorläufiges amtliches Endergebnis”, vue sur : http://diepresse.com/portal/fragments/templates/wahl/N200809/index.jsp
2. EIU, Austrian Country Report, September 2008, p. 19.
3. Voir Kronen Zeitung du 26 juin 2008.
4. Yves Ekoué Amaïzo, “Post-développement et interdépendance”, in “La question du développement”, in Revue AGIR, no 35, septembre 2008, pp. 25-40.
5. EIU, op. cit. , p. 3; il faut savoir que le poste du ministère de l’intérieur était détenu en début 2008 par un membre du parti ÖVP, (Mr. Günther Platter);
6. EIU, op.cit., pp. 7 et 8.
7. EIU, Ibid, p. 8.
8. EIU, Ibid, p. 13.
9. EIU, Ibid, p. 13.
10. EIU, Austrian, Country Forecast, September 2008, p. 4.
11. Les 16-18 ans ne représentent que 150 000 électeurs sur les 6 millions, selon le sociologue Silvio Lehmann
12. Voir Jean-Yves Camus, Actualité de Radio France International, vue sur : http://www.rfi.fr/actufr/articles/105/article_72935.asp
13. Wolfgang Schüssel a rapport à l’ÖVP son plus grand succès électoral en 2002 après plus de 36 ans.
14. Les exportations de biens et services sont supérieures aux importations entre 2003 et 2007 et les tendances pour 2008-2012 sont encourageantes (59% du Produit intérieur brut pour les exportations contre 52,6% du Produit intérieur brut pour les importations en 2008); source: EIU, Austria Forecast, Ibid, p. 10.
15. World Bank, World Development Indicators 2008, “Women in Development”, p. 28; la France avec19% et l’Italie avec 17% de femmes au parlement alors que l’Allemagne compte 32%, l’Afrique du sud 33% et le Rwanda 49%.