Questions sur l’actualité du 21 juin 2012
Dans la crise malienne, chacun se demandait pourquoi la médiation du Burkina Faso et de la Côte d’Ivoire sous le couvert de la CEDEAO a permis rapidement de donner un « statut d’anciens chefs d’Etat » au capitaine Amadou Sanogo, le chef putschiste ? Pour faciliter la résolution de la crise et permettre le retour dans les casernes des militaires putschistes. Il n’en est rien pour le moment. Mais cette approche doit être rapprochée de ce qui se passe à Ouagadougou au Burkina-Faso. En effet, c’est le 11 juin 2012 que la majorité parlementaire au Burkina-Faso a voté une loi octroyant l’amnistie pour l’actuel président, Blaise Compaoré et tous les anciens présidents vivants dont Saye Zerbo Président entre 1980 et 1982 et Jean-Baptiste Ouédraogo, entre 1982 et 1983. Alors cette loi aurait dû s’intituler « loi d’impunité » et non « loi d’amnistie » car cette loi valide l’impunité de facto de toute prise de pouvoir par un putsch, comme ce fut le cas pour Blaise Compaoré en 1987 contre celui que de nombreux Burkinabés appellent encore le « père de la révolution africaine », Thomas Sankara. Alors plus de 25 ans au pouvoir grâce à la force militaire et âgé de 60 ans, le Président Compaoré n’a pas réussi à faire la transparence sur cet assassinat.
C’était l’occasion de donner une idée du nombre d’années où l’actuel président peut rester au pouvoir. En effet, tous les futurs candidats à la magistrature suprême devront avoir de manière révolue au moins 35 ans et au plus 75 ans. Donc si le Président Blaise Compaoré le souhaite et si le Peuple Burkinabé ne peut s’y opposer, l’actuel président peut encore diriger le Burkina-Faso pendant 15 ans. Peut-on parler de démocratie ? Peut-on parler de vérité des urnes ? Vaste question auxquelles les Burkinabés doivent tenter d’apporter une réponse.
Cette loi d’amnistie est inscrite dans la constitution du pays et est présentée comme une juxtaposition d’une révision constitutionnelle qui crée un Sénat, devant être opérationnelle en 2013. L’opposition du pays ne s’y est pas trompée et affirme que « ces nouvelles réformes visent essentiellement à aider le président Blaise Compaoré à se maintenir au pouvoir ». Et en toute cohérence, les partis d’opposition parlementaire ont boycotté le vote. Il faut se rappeler qu’à la fin de 2011, le pays a connu une grave crise avec des mutineries d’une partie de l’armée, des manifestations populaires réprimées. C’est en réponse à ce expression de ras-le-bol que Blaise Compaoré, après avoir neutralisé ceux de l’armée qui portaient les revendications contre le système, a mis en place un Conseil consultatif sur les réformes politiques (CCRP) qui se doit de s’assurer de répondre d’abord aux préoccupations de ceux qui l’ont mis en place. Cette crise qui a ébranlé le régime et a permis à des pays étrangers de témoigner de leur soutien est un signe manifeste que sans les soutiens extérieurs, les régimes qui perdurent depuis 25 ans au pouvoir sans véritablement diminuer les injustices et permettre les fruits de la croissance économique partagée, pourraient ne plus tenir 15 ans comme planifié. Mais le vrai problème, c’est que cette loi d’amnistie qui est donc une loi sur l’impunité est une véritable offense à la mémoire des victimes des atteintes aux droits humains, des victimes des faiseurs de coup d’Etat… Outre les politiques, on trouve des personnalités du monde des médias (5 journalistes assassinés le 8 décembre 1982 à Fort Zeelandia) et des citoyens ordinaires. La honte ne peut être amnistiée. Faut-il accepter l’impunité pour les putschistes ? Les putschistes apportent-ils un mieux-être aux Africains dès lors qu’ils ne cèdent pas le pouvoir aux civils ? Au fait, on n’a jamais vu une femme africaine faire un putsch au Burkina. Ce sont donc les femmes qui sont intègres et non les hommes. YEA.
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