Lorsque le Président des Etats-Unis Barack Obama, lui-même, appelle avec insistance que les autorités chinoises réévaluent leur monnaie le yuan, c’est qu’il y a malgré tout un petit vent de panique dans le monde occidental, synonyme assez régulièrement de communauté internationale. La réponse ne s’est pas fait attendre. Hu Jintao, le Président chinois, a passé le message qu’une hausse substantielle de la monnaie chinoise le yuan ne réglerait pas les problèmes dans lesquels les Etats-Unis se sont eux-mêmes enlisés.
1. FAUT-IL MANGER SON SALAIRE AVANT DE L’AVOIR GAGNE ?
Le problème lié à la crise financière 2007/2008 provient bien des Etats et a contaminé le monde. La dette publique colossale des pays du monde occidental, dette que la croissance économique molle, voire la récession pour certains, ne pourra pas enrayer avant une bonne dizaine d’années. En général, ce genre d’équilibre des comptes se réglait avec des arrangements volontaires ou forcés avec les pays en développement ou pétroliers. Mais voilà, ces dix dernières années, les pays émergents et de nombreux pays pétroliers refusent de payer pour le système irresponsable d’une architecture financière mondiale fondée sur la déréglementation globalisée et un mode de fonctionnement basé sur le crédit, c’est-à-dire le fait de « manger son salaire ou ses revenus avant de l’avoir gagné ».
2. DEREGULATION DU CREDIT : UN PIEGE
C’est ce crédit qui a permis, avec l’aide des banquiers et intermédiaires financiers usuriers, d’offrir les prêts hypothécaires déloyaux et frauduleux qui ont ruiné les classes moyennes américaines mais actuellement celles en Espagne et bientôt en Chine. Dès lors que le crédit hypothécaire ou le crédit en général accordé aux Etats n’est plus régulé, les spéculateurs sont rentrés en jeu pour finalement faire entrer de manière frauduleuse des actifs toxiques, des produits financiers ne reposant sur rien, ni sur l’économie réelle, ni sur une transaction réelle. C’est ainsi que les spéculateurs, défendus au nom de la liberté totale des marchés, doivent être protégés. C’est cela qui a gangrené les Etats-Unis et la zone Euro.
Dès lors qu’un système mondial est corrompu par des multiples mauvaises créances que l’on découvre au fur à mesure que les uns et les autres n’en veulent plus, c’est la spirale de la crise financière. Le crédit non régulé est donc bien la cause de la crise financière de 2007/2008 et a conduit à la catastrophe dans le secteur de l’immobilier aux Etats-Unis. Mais rien ne permet de croire que cette chute des prix de l’immobilier n’atteigne pas la Chine. Attention de ne pas jeter le bébé et l’eau car la grande partie du système financier mondial est saine et fonctionne sur une base de la régulation laquelle, entretemps, s’est renforcée.
Mais il y a aussi des structures financières qui offrent des crédits aux entreprises à des taux élevés, voire usuraires. En fait, les entreprises, notamment les Petites et moyennes entreprises (PME) ou les collectivités locales qui se sont engagées dans des prêts à taux variables se sont faits piégées, ce d’autant plus que les dirigeants de banques irresponsables ont conseillé d’aggraver la situation en y rajoutant des opérations de change risquées. L’ensemble de ces ingrédients existe aussi en Chine notamment dans le secteur immobilier. Il ne s’agit donc plus de « corriger » un système qui fonctionne mais bien de mettre en cause la « déréglementation » surtout si la croissance mondiale se met à baisser… La conséquence est simple : toutes les entreprises, structures étatiques, y compris les Etats qui sont très lourdement endettés, se retrouveraient automatiquement insolvables.
3. MAUVAIS CONSEILS DU FMI A LA CHINE
Alors conseiller la Chine par exemple de «réduire son interventionnisme économique » pour « laisser plus de place au marché » comme le souhaite Barack Obama, relayé par Christine Lagarde, Directrice du Fonds monétaire international au nom des pays occidentaux très endettés (POTE), c’est ne pas comprendre que les autorités chinoises ne copieront jamais le système du « libre marché total », ce d’autant plus que les résultats en Union européenne, aux Etats-Unis ou même au Japon ne sont pas très probants en termes de l’équilibre macroéconomique de chacun de ces pays. Il faut aussi rappeler que les « stress-tests des 17 plus grandes banques chinoises » sont bons et ces banques peuvent résister à des chocs financiers isolés, au même titre que les banques françaises qui ont passé avec succès ces « stress-tests ». La vulnérabilité du système financier chinois est moins grande que la vulnérabilité du système américain ou européen.
Il faut donc une conjugaison, entre autres, d’un endettement public colossal, d’une chute des prix de l’immobilier, d’une modification défavorable des taux de change, d’un ralentissement rapide et agressif de la croissance et d’une grande dose d’actifs toxiques diffusés insidieusement pour que le secteur financier chinois soit atteint. Sauf que ces cinq grandes conditions sont justement celles qui ont conduit à la crise de 2007/2008 aux Etats-Unis et en Europe par le laxisme des dirigeants de ces pays. Sur ce point, les autorités chinoises sont tout sauf laxistes. Elles sont en train de faire dégonfler la bulle immobilière en construction en Chine. Elles laissent pourtant les patrons entrepreneurs chinois fermer boutique dès lors qu’ils ont fait des mauvaises affaires. Alors il y a bien « plus de marché » au niveau du business en Chine, et « plus d’interventionnisme de l’Etat » au niveau du système financier. Relâcher le contrôle sur le change et laisser la Banque centrale s’auto-déréglementer, n’apparaissent pas pour les pays qui émergent ou en voie d’émergence comme de bons conseils. Cela se discute surtout si cela doit plomber la croissance économique actuelle du monde non occidental.
4. LES « ECONOMIES OCCIDENTALES » NE VEULENT PAS DU « SOLIDARISME CONTRACTUEL »
C’est cette interférence, jugée importante par le FMI dans les activités des banques chinoises, qui selon la Directrice du FMI, Christine Lagarde, « nuit à la mise en œuvre de mécanismes de marché et à la bonne gouvernance » au point de conduire à la publication de 29 recommandations non coercitives du FMI à la Chine. Que faisait le FMI en termes de recommandations pour ne pas avoir vu venir la crise de 2007/2008 ? Quand le FMI demande à la Chine de relancer sa croissance alors que cette croissance économique est estimée par ce même FMI dans son dernier rapport de 2011 à 9,5 % en 2011 et 9 % en 2012 alors qu’en comparaison les Etats-Unis sont estimés respectivement à 1,6 % et 1,9 % et la zone euro à 1,6 % et 1,1 % 1, il y a lieu de s’interroger sur la neutralité du FMI lorsqu’il prodigue des conseils à des économies qui se sont passées de son conseil pour réussir leur décollage économique.
Pour mémoire, l’Afrique subsaharienne régulièrement injustement considérée comme ne « servant à rien » dans l’économie mondiale devrait avoir une croissance économique de 5,2 % en 2011 et 5,8 % en 2012, soit cinq fois plus que la zone euro. Quand donc est-ce que les sociétés occidentales vont décider d’agrandir le G20 pour intégrer les 5 zones africaines qui contribuent aussi à la croissance mondiale ? Si selon Christine Lagarde « les économies doivent agir ensemble face à la crise 2 », il ne faudrait pas qu’elle oublie que les fruits de la croissance extraits par les pays riches en voie de désindustrialisation, ont été gérés isolément et sans l’Afrique, ni la Chine au demeurant. Ce n’est donc pas « moins de politique et plus de marché » qu’il faut prôner, mais plus de « solidarisme contractuel 3».YEA.
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Notes:
- IMF, World Economic Outlook 2011. Slowing Growth, Rising Risks, IMF, September 2011. ↩
- Le Monde (2011). «Le FMI invite la Chine à réformer son système financier », in LEMONDE.FR avec AFP et Reuters, 15 novembre, voir <http://www.lemonde.fr/economie/article/2011/11/15/le-fmi-invite-la-chine-a-reformer-son-systeme-financier_1603731_3234.html>, accédé le 15 novembre 2011 ↩
- Yves Ekoué Amaïzo (2010). Crise financière mondiale. Des réponses alternatives de l’Afrique, « collection interdépendance africaine », éditions Menaibuc : Paris. ↩