Directeur du groupe de réflexion, d’action et d’influence « Afrology »
Depuis trois décennies, la doctrine du libéralisme économique a fait primer la maximalisation des profits des actionnaires aux dépens des forces de production. Ainsi, au lieu d’approfondir la création de richesse par le développement et la diversification des capacités productives, à grand renfort des médias, les principaux dirigeants du monde ont, en toute neutralité coupable, organisé et justifié la confiance illimitée dans l’autorégulation du marché.
La glorification de la spéculation comme mode d’accumulation des richesses, la dérégulation comme méthodologie opérationnelle, la marginalisation de l’Etat interventionniste comme dogme, la neutralisation des forces revendicatrices comme une limitation des contre-pouvoirs au niveau des entreprises, l’endettement des ménages comme fonction d’élimination de la contestation sociale, le refus de parler d’industrialisation en Afrique ne sont que quelques-uns des signes de la défaillance des marchés. Le capitalisme est en train de réorganiser son autorégulation. Les autorités africaines ont enfin une occasion, à ne pas manquer, de faire preuve d’audace et d’innovation pour offrir des solutions qui défendent les intérêts des populations. La population africaine, bouc-émissaire commode, ne peut plus servir de variable d’ajustement. En effet, il faut un pouvoir d’achat qui va faire défaut en Afrique et une volonté des dirigeants que les entrepreneurs africains n’ont pas manqué de relever lors de la réunion des ministres des finances africains avec le Fond monétaire international à Dar-es-Salaam, Tanzanie le 10-11 mars 2009.
En effet, de qui se moque-t-on lorsqu’en tout et pour tout il est question d’une enveloppe de 25 milliards de $ US comme soutien financier ou plutôt d’endettement additionnel, pour tous les pays africains par le Fond monétaire international. Il y a donc manifestement du saupoudrage en comparaison aux moyens gigantesques déployés par le même FMI dans les pays occidentaux. Bref, la réponse du FMI à la crise financière africaine n’est pas une réponse structurelle. Le FMI s’oppose au développement des capacités productives en Afrique en ne favorisant pas l’accès direct des Africains au financement sur les marchés internationaux. La crise financière dont la responsabilité entière incombe aux tenants de la dérégulation, ne peut se résoudre sans un meilleur contrôle, voir la suppression de certains des espaces de sous-régulation ou de non-régulation y compris certains paradis fiscaux.
La question pour l’Afrique n’est donc pas s’il faut ou pas un plan de relance, car il en faut un mais bien de savoir pour qui travaille chacun des dirigeants africains lorsqu’ils offrent des solutions économiques et financières. Faire un plan de relance est une chose, en accepter la discipline monétaire interne en est une autre. La question pour l’Afrique est donc de signer un pacte de soutien au pouvoir d’achat des Africains où l’engagement collectif primera sur les solutions nationales “individualisées”.
En effet, la crise financière a fait perdre 2,1 % de croissance économique à l’Afrique en deux ans soit une chute de 5,2 % en 2008 à environ 3,4 % en 2009, puis à 3,1 % en 2010. L’Afrique soutient la croissance mondiale et il faut plaider pour que le G 20 devienne un G 23 en intégrant au moins trois représentants de l’Afrique afin que ce manque à gagner pour les populations africaines soit pris en compte dans l’élaboration des corrections à apporter à un capitalisme de l’incompétence, de l’impunité fondée sur la fraude à l’autorégulation.
Créer un “fonds vulnérabilité” pour relancer la demande publique en Afrique comme le préconise la Banque mondiale en prenant 0,7 % sur l’ensemble de l’enveloppe des pays occidentaux pour résorber leur crise revient à endetter l’Afrique sans renforcer ses capacités productives endogènes, base de la création de la richesse partagée. Le Pacte de soutien au pouvoir d’achat doit se substituer au plan de relance. YEA.
Yves Ekoué Amaïzo (sous la direction de), (intlink id=”203″ type=”post”)La neutralité coupable : l’autocensure des Africains, un frein aux alternatives(/intlink), éditions Menaibuc, Paris, 2008