L’Afrique était absente en 1944 à la Conférence de Bretton Woods, qui portait sur l’organisation de l’architecture financière et économique internationale. Les pays africains étant des colonies à l’époque, leurs considérations économiques n’ont jamais été prises en compte.
La place réservée à l’Afrique se résume toujours à celle d’un espace périphérique qui ne peut que servir de variable d’ajustement(1). Ladite «communauté internationale» de l’époque n’avait jamais imaginé que les colonies pouvaient devenir des États indépendants au point de réclamer aujourd’hui d’être représentés dans la nouvelle architecture financière et économique mondiale en gestation.
Le continent africain est toujours marginalisé par une communauté internationale qui se propose de refonder le libéralisme économique autour d’un groupe de pays dit «G20», lequel représente près de 85 % du Produit intérieur brut (PIB) mondial et 65 % de la population de la planète. L’Afrique du Sud fut invitée comme pays émergent.
Les dirigeants des pays riches cherchent à éponger partiellement les dettes du néolibéralisme, à réorganiser la régulation financière, et à réformer les institutions issues de BrettonWoods, sans les pauvres.
Avec la crise actuelle, le dogme néolibéral de la non-intervention de l’État comme régulateur s’est effondré et un capitalisme d’État sélectif, reposant toujours sur l’impunité des acteurs, a pris le relais. Ce dogme ne répond pas aux préoccupations des populations africaines. Les solutions pour l’Afrique reposent sur les échanges intra-africains, une résistance accrue au choc des crises alimentaire et énergétique, et une maîtrise des coûts de transaction. La légitimité des politiques d’arbitrages économiques, une amélioration de la productivité, une priorité à la création de richesse fondée sur l’entreprenariat, le développement des capacités productives et la protection de l’environnement s’imposent. Le poids économique de l’Afrique s’améliore. Les pays riches, en décroissance continue avec un PIB réel estimé au mieux à 0,5 % pour 2009, sont menacés de récession. Les pays riches seront les premiers à subir une sévère contraction de leur économie réelle suite à la crise financière de l’économie virtuelle et immatérielle qu’ils ont eux-mêmes contribué à créer. Les banques islamiques ont mieux résisté, du fait de l’interdiction de la prise d’intérêt et des placements judicieusement adossés en priorité à des actifs réels comme les matières premières, l’immobilier et les activités productives.
La Chine et l’Inde ont refusé de suivre les conseils des institutions de Bretton Woods en trouvant des équilibres entre une politique d’industrialisation et d’exportation, un recyclage dans l’investissement intérieur relayé par une augmentation du pouvoir d’achat, une relance de la consommation et des accords bilatéraux dits «gagnant-gagnant » pour assurer leurs dépenses énergétiques. Afin de limiter une nouvelle dépendance vis-à- vis des institutions de Bretton Woods, cette région a créé le Fonds monétaire asiatique en 2007, doté de 80 milliards de dollars pour assurer une solidarité financière et garantir une souveraineté monétaire qui permet de se passer du Fonds monétaire international (FMI). L’Amérique du Sud, en parallèle, crée sa Banque du Sud pour financer l’investissement dans l’infrastructure et s’affranchir du dollar par la convergence monétaire.
Avec les réserves monétaires importantes de vingt pays africains, les dirigeants des États interdépendants d’Afrique peuvent créer le Fonds monétaire africain (FMA) pour assurer leur souveraineté monétaire. Avec une croissance économique estimée autour de 5 % pour 2009, l’Afrique, un des moteurs de la croissance mondiale, peut enfin oser écrire sa propre histoire monétaire. YEA
(1)Yves Ekoué Amaïzo, «Post-développement et interdépendance», in revue Agir – Société de Stratégie, n°35, septembre 2008.
Paru dans “Continental Magazine” http://www.continentalmag.com/site/index.php?option=com_content&task=view&id=249