vues d’Afrique et d’Amérique latine
Enjeux et défis de l’appropriation locale de la gouvernance
Colloque – recherche organisé les 2 et 3 décembre 2005 à Montréal par le Centre d’Etudes et de Recherches Internationales de l’Université de Montréal (CERIUM) avec la collaboration du : Centre d’Etudes sur le Droit International et la Mondialisation – UQAM,Groupe d’Etudes et de Recherche sur les Sociétés Africaines – Université Laval
Thème (3) : Régionalisation et gouvernance
Problématique du thème (3) :
Le nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD) – cette entreprise de reconstruction continentale – qui insiste ainsi sur la nécessité d’instaurer des règles de bonne gestion, de trouver des solutions africaines aux conflits et d’encourager la démocratisation par l’instauration de mécanismes d’évaluation par les pairs, n’illustre-t-il pas l’impact de la notion de gouvernance en matière de régionalisation ? Peut-on trouver des structures et politiques similaires en Amérique latine en lien avec la gouvernance ?
Auteur et économiste à l’Organisation des Nations Unies pour le Développement Industriel.
Cet article n’engage nullement l’ONUDI.
Résumé du thème 3 : Régionalisation et gouvernance
L’approche adoptée par les Chefs d’Etat africains consistant à institutionnaliser un contrôle mutuel, euphémisme pour un droit d’ingérence, voire d’actions préventives, ne semble pas faire l’unanimité. Les raisons sont d’ailleurs diverses selon les Chefs d’Etat. Pourtant le mécanisme africain d’évaluation des pairs (MAEP), contrôlé par le Secrétariat du Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique (NEPAD), un instrument à part entière de l’Union africaine, a été mis en place sans la participation du peuple africain. Ce peuple-citoyen à qui l’on dénie tous droits de regard a pourtant droit à l’information, au jugement, à la sanction et aux changements de ces dirigeants. Nul, parmi les décideurs africains, n’y consent véritablement. Ce ne sont pas les réunions de Chefs d’Etat où la palabre et le bougisme sont rois qui parviennent à faire passer les décisions dans la pratique. Les choix opérés et le mode opérationnel choisi conduisent à n’évaluer que quatre ou cinq pays par an, quant il n’y a pas de retard. La mise en œuvre des recommandations elles-mêmes reste laborieuse.
Dans tout ceci, les bailleurs de fonds semblent paradoxalement trouver là un nouveau moyen de moderniser leur technique de la servitude, sans responsabilité directe et surtout sans implications en apparence. Pourtant, l’objectif recherché est de fournir des financements aux « bons élèves » selon des critères très occidentalisés et sans l’aval du peuple-citoyen africain. Comment alors contribuer à assurer l’unité des Africains si les dirigeants ne sont déjà pas unis sur le MAEP ? Comment alors combler un déficit de crédibilité sans re-apprivoiser les techniques de la représentativité à partir de la proximité, notamment en impliquant mieux les chefferies. Bref, comment assurer l’interdépendance entre les Africains sans revoir et institutionnaliser, en toute transparence, l’organisation de la légitimité des représentants du peuple-citoyen ? La représentativité des citoyens africains ne peut se faire par défaut et malgré eux. Il convient d’investir dans l’institutionnel et ne pas considérer la pression des pairs et de la communauté internationale comme un succédané à l’impossible démocratie en Afrique. Outre les risques importants d’échecs quant à la pérennisation d’un tel système, sur le plan stratégique, c’est toute la subtilité d’un partenariat vicié qui risque de voir le jour aux dépens du peuple-citoyen.
Quand le pouvoir législatif prévarique,
la voie est ouverte à tous les excès, à tous les désordres.
Louis Sala-Molins, 10 août 2005
Introduction : l’impossible dialogue-évaluation-sanction
Le nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD) apparaît comme une tentative des chefs d’Etat africains, au nom et à la place de leurs peuples, de s’inscrire durablement dans la logique d’une participation active à la gouvernance mondiale. Il fallait inventer une structure appropriée de gestion des affaires publiques qui tienne compte de l’histoire, de la culture et des pratiques africaines en termes de gouvernance. Une priorité a été accordée à la palabre, une forme de dialogue-évaluation-sanction qui doit se faire sur une base consensuelle. Ce faisant, tout le processus basé sur la participation volontaire des Etats a pris des libertés avec le temps et a exclu, du départ, la participation directe de la population africaine.
Cette nouvelle gouvernance régionale et locale tente de structurer, de manière originale, une renaissance des pratiques institutionnelles en Afrique. L’accent est mis au niveau régional et continental sur l’adhésion à un code de bonne gouvernance politique et économique dont la pertinence est jugée sur la base d’un questionnaire. La méthode fait appel à la pression des pairs qui devrait provoquer un effet contagion-entraînement à des fins de rationalisation du cadre institutionnel de l’intégration politique, économique, sociale, sécuritaire aux niveaux régional et national. C’est en filigrane tout le délicat problème de la légitimité et de la capacité des institutions et structures sous-régionales et nationales à accepter une évolution vers une régionalisation de la gouvernance qui a le mérite d’être posée sans que les peuples-citoyens concernés ne soient amenés directement à se prononcer sur une acceptation-adhésion-appropriation.
Participation et appropriation ne font alors plus bon ménage. Il est question d’accepter que des initiatives réglementaires régionales conduisent à une forme d’harmonisation qui devraient favoriser une réelle interdépendance régionale. Celle-ci devrait en principe venir en complémentarité des interdépendances à l’intérieur des frontières nationales. Paradoxalement, bien qu’il s’agisse en fait de prémunir l’Afrique contre une certaine marginalisation liée à la globalisation de l’économie mondiale, la gouvernance du NEPAD apparaît de plus en plus comme une entrave majeure à la participation directe des citoyens sur les choix de société tout en créant involontairement un groupe d’irréductibles 26 chefs d’Etat sur 53 (juin 2005) qui n’ont pas encore jugé urgent d’adhérer au mécanisme d’évaluation des pairs. Ces derniers ont en commun un déficit démocratique aigu des libertés publiques et une situation difficile sur le plan de la création de richesses et de la redistribution des fruits de la croissance économique. Aussi, l’état actuel de la gouvernance régionale offerte par le NEPAD n’augure pas d’une alternative heureuse pour une gouvernance pour le développement au 21e siècle en Afrique. Des ajustements sont donc nécessaires.
En référence aux 27 autres Etats africains lesquels ont choisi librement d’organiser l’appropriation locale et régionale de la gouvernance, il y a lieu de s’interroger sur les véritables objectifs affichés par les chefs d’Etat quant à leur responsabilisation face à une histoire africaine qui fait la part belle à un accroissement de la démocratie et des libertés publiques. Les rapports de force entre Etats africains, greffés sur les rapports de force entre pays africains et occidentaux, sont de nature à faire émerger une gouvernance pour le développement au 21e siècle qui aura des difficultés à s’exporter dans l’état. Toutefois, les pays d’Amérique latine ou d’Asie ne devraient pas tarder à réaliser l’importance de cette approche originale africaine où le contexte semble encore prédominer sur le concept. Au-delà des réformes, c’est le processus de modernisation de la gestion des biens et services publics, par delà les frontières nationales des Etats-nations africaines, qui est posé. En filigrane, les pressions collatérales exercées par la pauvreté et les facilités offertes par l’impunité quant au non-respect des règles acceptées d’un commun accord sont de nature à imprimer un rythme lent et saccadé à l’appropriation locale de la gouvernance.
A la lumière de ces constats pluriels, la gouvernance régionale africaine sans représentativité véritable et procédure d’ingérence en cas de crises, peut-elle soutenir le développement durable et une démocratie ? La communauté internationale peut-elle accepter le principe du soutien financier et logistique à des structures africaines de modernisation de la gouvernance régionale et nationale en acceptant que les priorités africaines ne deviennent pas secondes face aux siennes ? Enfin, comment est-ce que la société civile, et notamment le secteur privé pourraient utilement, à travers un partenariat public-privé, retrouver leur fonction première de soutien au développement en promouvant la gouvernance d’entreprise et la responsabilité sociale des entreprises, y compris au niveau des petites et moyennes entreprises ?
L’enjeu et les défis dépassent le cadre africain. La sixième région africaine plus connue sous l’appellation « diaspora africaine » aura certainement un rôle de plus en plus actif à jouer dans le cadre d’une interdépendance et d’une citoyenneté mondiales qui risquent de faire émerger une gouvernance « glocale », une forme nouvelle de l’interdépendance entre le global et le local. Comment la réussir de manière pacifique est un défi que l’Afrique et ses amis doivent relever ensemble sans paternalisme et condescendance !
1. L’alignement-appropriation des concepts : investir dans l’institutionnel
En s’appuyant sur les racines historiques du pouvoir en Afrique, il faut reconnaître que la plupart des formes de gouvernance refusait la « dictature du temps ». En ce début de millénaire, le facteur « temps » est devenu plus un facteur de ralentisseur de l’amélioration de la gouvernance en Afrique, parce que l’appropriation par les citoyens fait défaut. En fait, cette appropriation est absente déjà au niveau des définitions et des paradigmes, souvent importés du fait de la colonisation et des 500 ans d’exploitation-neutralisation du continent. Pourtant, la gouvernance, terme désuet et remis à l’ordre du jour par les institutions de Bretton-Woods dans les années 1980, non sans arrière pensées, est devenue indissociable du processus même de développement. Pour certains, il est au même titre que d’autres obstacles, l’élément bloquant.
En réalité en Afrique, les institutions de Bretton-Woods ont tout simplement failli sur le plan de la décentralisation des pouvoirs vers les institutions et des individus en exportant leur mode opératoire relativement centralisé et dirigiste, avatars des institutions publiques internationales. D’un paradigme fourre-tout, on est passé à une forme de régionalisation formelle qui ouvre la porte à l’arrivée, annoncée, des multiples pièges que recèle le mimétisme institutionnel. L’Afrique, collectivement, semble avoir trouvé une parade au travers du mécanisme africain d’évaluation des pairs. Encore faut-il que tous en acceptent le principe et respectent sa mise en œuvre.
1.1 Le facteur « temps » : ralentisseur de l’amélioration de la gouvernance en Afrique ?
A la suite des résultats plus que mitigés des politiques d’ajustements dites « structurelles » dans le cadre du Consensus de Washington, les institutions de Bretton-Woods ont réussi le tour de force de faire oublier qu’elles sont des institutions publiques qui pourraient être privatisées pour plus d’efficacité. En introduisant la notion de gouvernance dans le discours sur le développement international, les institutions de Washington et leurs réseaux avancés en Afrique ont, elles-mêmes, failli en terme de gouvernance et de veille stratégique en oubliant de mettre le citoyen au centre de leur préoccupation. Le financement partiel et partial de l’infrastructure d’interconnexion et des principales structures de santé publique, d’éducation, de sécurité alimentaire ou de communication en Afrique, témoigne du travail inachevé de l’approche exogène du « financement de projet de développement ». On ne peut donc projeter le développement, encore moins en laisser le soin aux bénéficiaires potentiels.
La nouvelle génération de mesures exogènes relatives à la gouvernance, propose de mettre l’accent sur les institutions. Cette évolution porte, entre autres, sur le renforcement des capacités institutionnelles, de l’amélioration des pratiques, une attaque en règle contre la corruption sans par ailleurs responsabiliser les corrupteurs, un discours sur la décentralisation des pouvoirs. Tous ces efforts tendent en apparence à augmenter la participation des citoyens africains à la mise en œuvre des projets de développement. La réalité est que les acteurs restent ceux du secteur public que l’on spécialise sur le fonctionnement interne des institutions de Bretton-Woods et leurs relais à des fins d’accélération des procédures de décaissement. Les liens entre les décaissements et les réalisations se font par ailleurs de manière « éclatée » et sans responsabilisation collective des vrais donneurs d’ordre.
Au cœur du système, il existe une volonté extérieure et sélective d’œuvrer, sous la forme de pressions diverses, pour promouvoir une forme de démocratie, qui tend à devenir une démocratie à l’africaine. Mais en faisant fi de la participation des acteurs concernés dans l’élaboration même des projets de développement, en oubliant que l’essentiel du capital humain éduqué et disponible est souvent absorbé par les mêmes institutions d’appui aux développements bilatéraux ou multilatéraux pour « administrer » leurs projets, la plupart des bailleurs de fonds ont financé et transformé des « bureaucrates » et des « intellectuels organiques » africains en consultant nationaux et internationaux. Pour tenter de calmer les effets connexes désastreux des programmes d’ajustements conjoncturels à répétition sur les populations, des mesures d’accompagnement social à des fins de limitation de la pauvreté, sont apparus comme des feux de paille sans lendemain en Afrique subsaharienne. L’Afrique subsaharienne reste la région du monde où le nombre de personnes vivant avec moins de 2 dollars par jour reste le plus élevé 76,6 % en 2001 avec des estimations à la hausse d’ici 2015. En parallèle, c’est aussi la région où le nombre d’enfants de moins de 14 ans considérés comme main d’œuvre est le plus élevé, soit 28 % en 2003. Cette partie du continent reste l’une des régions vulnérables du monde en terme d’appauvrissement et d’augmentation des inégalités.
Les effets pervers et collatéraux de l’interventionnisme des institutions de Bretton-Woods dans la gouvernance des pays de la sous-région ne doivent pas être sous-estimés, ni passés aux oubliettes comme au demeurant les responsabilités des dirigeants africains eux-mêmes. En effet, sans accord avec ces institutions, l’octroi de crédit ou de dons de la part des institutions bilatérales est une mission quasi-impossible. La réalité est que nul n’a cherché réellement à augmenter la capacité de création de richesses en Afrique, avec ou par les Africains eux-mêmes. On a rarement vu des mesures d’accompagnement pour ceux qui, aux niveaux national ou sous-régional et ceci malgré de multiples obstacles, tentent de créer des richesses et de promouvoir la création de valeur ajoutée et de l’innovation. La plupart des propriétaires locaux de capacités productives voient leurs titres de propriété transférés grâce à des opérations, justifiées ou non, de privatisation vers des entités non-africaines. Les motivations de ces dernières ne sont plus nécessairement le développement, la redistribution, le réinvestissement en Afrique ou la décentralisation au profit d’une population locale, souvent confinée dans une forme de léthargie informationnelle permettant à la fatalité, tel du levain dans la pâte à pain, de neutraliser les esprits frondeurs ou alternatifs.
Les stratégies endogènes et les mesures typiquement africaines deviennent alors des options qu’il faut rapidement contrôler, infiltrer, détourner de leur objectif premier, si possible avec les acteurs concernés et maîtrisant parfois peu l’enjeu du combat. Le problème alimentaire quotidien, allié à des formes plus subtiles de ventrologie, conduit souvent à diviser l’Afrique en deux camps bien distincts. Les pays ayant atteint un certain niveau d’autonomie budgétaire peuvent organiser leur autodétermination alors que d’autres continuent d’être tributaires des subsides extérieurs, ce qui n’a d’ailleurs pas un effet bénéfique avéré sur l’amélioration de la gouvernance en général, sur l’appropriation locale en particulier.
Dans l’un ou l’autre cas, la participation de la population reste un défi quant elle est tolérée. La mise en œuvre d’une gouvernance d’autodétermination reste souvent proscrite et les sanctions sous la forme, entre autres, d’« embargo financier » ou de coups d’Etat téléguidés sont encore légions sur le continent. La forme la plus pacifique reste, malgré tout, la manipulation des constitutions pour en modifier les termes et les contenus avec des pseudo-référendums proposés dans des Etats policiers et souffrant de déficit démocratique plus ou moins prononcé. Dans ce contexte, l’approfondissement de la gouvernance au niveau de la décentralisation à l’intérieur d’un pays, ou de l’organisation de la subsidiarité au niveau des sous-régions regroupant plusieurs pays, demeurent un défi majeur en Afrique. Les stratégies de développement peuvent bien sûr être rediscutées. Mais elles n’auront aucune chance d’être mises en œuvre si toutes les analyses font fi du rapport de forces inégalitaires qui existent entre ceux qui prônent l’ingérence feutrée dans les affaires intérieures des pays et ceux qui au niveau de la direction des pays, refusent, avec toutes les astuces modernes que confère la légitimité, réelle ou imposée du pouvoir, de favoriser la décentralisation du pouvoir. L’appropriation locale de la gouvernance par les citoyens africains, notamment ceux vivant en zones rurales, ou ceux considérés comme les plus vulnérables est devenue une urgence pour sauvegarder la démocratie en Afrique. On peut s’affranchir de la prise de conscience de plus en plus grande des populations sur les méthodes mystificatrices et les stratagèmes imitateurs d’une certaine démocratie formelle.
Prendre en compte uniquement le volet régionalisation en considérant que la notion de gouvernance « fonctionne » en Afrique est une erreur de parallaxe. Les efforts de démocratie représentative de certains pays africains comme l’Afrique du Sud, le Bénin, le Botswana, le Cap-Vert, le Ghana, l’île Maurice, et le Sénégal (pour ne citer qu’eux) permettent de croire que le processus de démocratisation doit se poursuivre et s’approfondir à tous les niveaux et en toutes circonstances. Face à la difficulté de poursuivre ce mouvement de démocratisation uniquement en laissant les gouvernements décider du rythme et du niveau d’approfondissement, les dirigeants africains ont collectivement décidé de donner un coup d’accélération au processus en créant un mécanisme supranational qui aura pour objectif de s’opérer au niveau national avec la participation de tous les représentants des partenaires au développement. L’objectif affiché est de promouvoir volontairement le changement de comportement et de fixer des objectifs fondés sur les bonnes pratiques régionales.
Le nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD), instrument de l’Union africaine, est une institution de refondation des normes et standards de gestion performante des affaires publiques avec en filigrane la comparaison avec la meilleure performance de la sous-région ou du continent. Le NEPAD a créé en son sein, en octobre 2001, un mécanisme africain d’évaluation des pairs (MAEP) qui n’a pas d’équivalent outre-mer. Ce MAEP pourra-t-il évoluer vers l’instauration d’une gouvernance décentralisée tant au niveau des communes à l’intérieur des pays, qu’au niveau d’une régionalisation aux niveaux des communautés économiques régionales ou sous-régionales ? Il s’agit, de manière originale de trouver des solutions africaines à la médiation des conflits, d’encourager le processus de démocratisation selon un rythme accepté et validé par les acteurs eux-mêmes et d’appuyer le processus de croissance économique accélérée et partagée.
L’idée n’est pas originale puisqu’elle repose sur les pratiques anciennes de démocratie villageoise en Afrique. Elle véhicule d’ailleurs le même défaut majeur ancestral. Cette pratique nécessite beaucoup de temps, qui lui-même est considéré comme un « instrument » qu’il ne convient pas « d’apprivoiser », selon la tradition africaine. Dans un monde globalisé où les rapports entre le global et le local sont de plus en plus conflictuels, le non-contrôle du facteur temps dans toutes initiatives de structuration et d’adhésion de la population peut s’avérer contre-productif. En effet, tout consensus obtenu, mais mis en œuvre en décalage avec les pratiques du marché global, risque de n’avoir qu’un effet mitigé sur l’évolution réelle des bonnes pratiques. C’est donc plus l’organisation de la flexibilité et la capacité à mettre en place un système de mise à niveau systémique des pratiques en comparaison avec les progrès des voisins géographiques ou sectoriels qui pourront permettre véritablement au NEPAD/MAEP d’atteindre les objectifs d’amélioration de la gouvernance économique, sociale et institutionnelle en Afrique. Ce n’est alors que face à des résultats tangibles que ces mécanismes pourront trouver des échos en guise de « bonnes pratiques » en Amérique latine et Caraïbes ou ailleurs.
1.2 Appropriation des définitions et des paradigmes
Plutôt que de reprendre de nombreuses définitions existantes, il importe de rappeler qu’au 13e siècle, le mot gouvernance était synonyme de « l’art et la manière de gouverner ». Le mot a pratiquement disparu du langage courant lorsque dans les années 1980, les institutions de Bretton-Woods (Banque mondiale et Fonds monétaire international) suivies très rapidement par le Programme des Nations Unies pour Développement l’ont repris en l’affectant de la notion de « bonne ».
La bonne gouvernance permet d’ouvrir un débat qui n’est toujours pas clos puisque entre ce que d’aucuns définissent comme bonne gouvernance ne l’est pas nécessairement aux quatre coins de la planète. L’introduction de la subjectivité et de la partialité ont fait oublier que la gouvernance signifie aussi « guider ou orienter ». Sous le joug des institutions de développement, certains ont estimé que l’on a évolué vers l’influence et que le libre choix et l’autodétermination ont progressivement perdu du terrain. Une définition minimaliste serait celle de J. Kooiman qui estime en 1993 qu’il s’agit d’un « modèle, ou une structure, qui émerge dans un système socio-politique en tant que résultat commun de l’interaction de tous les acteurs en présence. Ce modèle ne peut être réduit à un seul acteur ou à un groupe d’acteurs en particulier.» Pourtant, la gouvernance suppose que le processus qui conduit à prendre le leadership dans l’acte de gouverner ou de conduire une politique ne peut se faire durablement par personne interposée, extérieure au contexte.
Il s’agirait alors simplement d’une forme avancée de la colonisation ou de la mise sous tutelle. Il devient donc fondamental qu’il y ait appropriation d’une manière ou d’une autre par les représentants des populations concernées pour que l’on puisse parler de gouvernance. Le terme prend alors le sens de vision unanimement acceptée par des citoyens qui ont librement choisi leurs représentants chargés justement de mettre en œuvre cette vision dans le cadre de stratégies et de politiques centralisées ou décentralisées régulièrement mises à jour. La gouvernance n’est donc possible que si des institutions sont établies et un système cohérent et coordonné de distribution des droits, des obligations et des pouvoirs permette sa mise en œuvre opérationnelle. Il faut aussi des institutions de contrôle et des instruments de mesure afin d’identifier les dysfonctionnements, de les prévoir afin de mettre régulièrement à jour, par les acteurs au développement, l’ensemble des règles et pratiques qui permettent de créer un état de démocratie et de paix civile où les citoyens peuvent vaquer à leurs occupations à des fins de prospérité et de créativité.
Il ne peut donc pas y avoir de gouvernance pour les pays en développement s’il n’y a pas d’appropriation locale de la gouvernance. Encore faut-il se demander si la notion dite « locale » se limite à un gouvernement central, légitime ou pas, ou s’il faut décliner le concept en introduisant la notion de décentralisation tant à l’intérieur des frontières dites nationales qu’au niveau d’une sous-région. Dans tous les cas, le concept « local » se définira en fonction de la distribution effective du pouvoir sans contrepartie vers les institutions de représentation des citoyens tant dans la proximité que dans la sous-région.
La décentralisation ne peut s’affranchir de l’aménagement du territoire et la gestion de l’espace. Aussi, il s’agit de répondre à une préoccupation émanant des travaux d’anthropologie qui considèrent que l’être humain est une personne qui tend à s’épanouir dans des milieux divers tels que la famille, le village, le quartier, la commune, la ville, les associations, la région, le monde, etc. Il faut en conséquence des structures intermédiaires entre l’entité « ménage » et les différents rouages de l’Etat où s’applique le principe de subsidiarité. Il s’agit d’identifier le niveau le plus proche possible des administrés pour résoudre avec le maximum d’efficience les questions de gestion de la chose publique. Il s’agit d’assurer que la prise de décision se fasse si possible en temps réel et favoriser ainsi la capacité de réactivité, d’adaptation et de flexibilité qui permet à toute société de progresser sans trop de conflits. La représentation et la décision dans la proximité des dossiers deviennent alors des critères de bonne gouvernance. La décentralisation et la régionalisation constituent de facto alors la meilleure assise possible pour un aménagement à la fois respectueux de l’intérêt local et des impératifs nationaux, régionaux, globaux ou sectoriels. A l’inverse, toute forme de déconcentration prononcée qui viendrait se substituer à la décentralisation risque de falsifier les pratiques et freiner les appropriations et l’engagement politique réel des citoyens. Seul un système élaboré, accepté et régulièrement mis à jour par les citoyens sur propositions de leurs représentants pourrait permettre à un partenariat local/national, local/régional et local/global de voir le jour avec des chances de transfert réel de la gouvernance centrale vers la gouvernance au niveau régional. Le terme « glocal » qui réunit global et local permet de mesurer toute la difficulté de la mise en œuvre de la nouvelle approche de la « gouvernance glocale » laquelle allierait justement les deux niveaux.
Les bégaiements d’une telle constellation se lisent dans le besoin continu de renforcer les institutions, de soutenir la responsabilisation des citoyens et des dirigeants, de réviser les visions, les stratégies et les programmes devant conduire à plus de prospérité et de partage dans un espace de paix dans les pays. Il va de soi que les disfonctionnements sont plus nombreux dans les pays en développement que dans les pays où la structuration et l’organisation des règles de fonctionnement sont devenues le socle fondateur des sociétés démocratiques. Les régions d’Amérique latine et caraïbes, d’Afrique et d’Asie se doivent de rechercher dans leur histoire, avant colonisation, les ressorts permettant de retrouver la dynamique de la responsabilisation et du progrès sans mimétisme outrancier et inefficace.
La gouvernance glocale risque de devenir un sujet de recherche dont la déclinaison risque de se faire à l’infini compte tenu de la multitude des niveaux de rapports de force intervenant pour en structurer les contours. Les préceptes du consensus de Washington autour de la gouvernance risque rapidement de se fondre dans un magma aux frontières floues où traditions, cultures, pratiques viendront décliner les préceptes des grandes règles d’équilibres macro-économiques.
La gouvernance est devenue, à l’époque contemporaine, le siège de la pratique de l’interdépendance. Peut-elle soutenir la dynamique du développement en facilitant l’émergence d’une vraie régionalisation ? Rien n’est moins sûr. Au plan global, la puissance des forces du marché pourrait amener les gouvernements à abdiquer et à décider de servir ces forces du marché. Certains pays en développement en font déjà l’amère expérience puisqu’il s’agit simplement de comparer le chiffre d’affaires de certaines entreprises transnationales et le produit intérieur brut de certains pays les moins avancés pour se rendre compte du rapport de force. Les pays industrialisés subiront alors plus le contrôle de leurs citoyens si le fonctionnement du système démocratique est maintenu et décentralisé. Les pays moins industrialisés et moins influents seront probablement plus sujets à un contrôle plus draconien de la part d’institutions des pays industrialisés faisant office de payeur en dernier ressort et donc de conseiller en dernier ressort en « gouvernance ».
Face aux pressions unilatérales occidentales dites de la « communauté internationale », il va falloir, pour les pays les moins industrialisés, africains en particulier, apprendre à s’organiser collectivement pour limiter les pressions internationales et les substituer par des pressions régionales. La tentative originale des Africains au travers du mécanisme africain d’évaluation des pairs (MAEP) du nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD) mérite toute notre attention, même si l’impatience des uns, la mauvaise volonté des autres conduisent, malheureusement, à exclure les citoyens africains du processus. Il convient alors de ne pas oublier qu’il est encore possible, selon Bertrand de Jouvenel, que « le désordre est propagé par ceux-là mêmes qui doivent procurer l’ordre ». Les résultats des institutions de Bretton-Woods ou de certains dirigeants africains font office de témoignages malheureux. Il ne faut toutefois pas s’arrêter à ces expériences malheureuses qui relèvent finalement plus de l’ignorance et de la défense des intérêts particuliers aux dépens des intérêts collectifs.
La gouvernance de ce début de millénaire pourrait alors de définir comme un principe-processus qui se doit de reposer sur des systèmes d’auto-régulation organisés en cascades du niveau local vers le global. Elle doit reposer sur une approche participative du « bas vers le haut » tant dans la définition de la vision, des procédés de mise en œuvre que dans l’opérationalité des institutions comme des individus. Sans transparence, il n’y a pas de gouvernance digne de ce nom. Le qualificatif « bonne gouvernance » ne peut en définitive être attribué que si le processus, qui permet de rendre compte au citoyen et de le laisser sanctionner ou approuver la « bonne gestion », épouse les contours d’un processus démocratique respectueux des traditions et pratiques locales. Nul ne devra déroger au principe de subsidiarité, comprise comme la nécessité de ne transférer en dehors de la proximité que les compétences qui ne peuvent s’y exercer. Pour cela, il importe d’élaborer des repères communs, d’asseoir la légitimité des représentants des citoyens et d’organiser les instruments de l’efficacité à des fins de prospérité et de souveraineté partagées.
1.3 Gouvernance et développement : du paradigme fourre-tout à la régionalisation formelle.
A écouter les politiciens et les dirigeants des Etats, les chemins du développement durable sont pavés de bonnes intentions. Jamais adage ne s’est révélé aussi vrai que dans le cas de la crisologie africaine de ce début de millénaire. En effet, l’histoire récente de la pensée du développement coïncide quasiment avec celle des Afriques dites « politiquement indépendantes ». Le continent est le champ d’expérimentation sélectif des recettes miracles en tout genre, concoctées par des générations successives d’apprentis sorciers du développement. Ceux-ci, en toute non-neutralté, sont mandatés par des organismes agréés ou auto-mandatés, et sont censées aider une Afrique des Etats, et non les Africains, à créer de manière soutenue et distribuée des richesses et accessoirement à sortir de l’ornière du sous-développement dans laquelle elle se dépêtre depuis des lustres.
La litanie des paradigmes, théories et concepts, ayant valeur de formules magiques et proposées à l’usage des Etats africains, peut se réciter à l’infini. En réalité, il est fait usage de courroies de transmissions locales (institutions comme individus). Après avoir organisé, de manière systémique, le contrôle et parfois le bâillonnement par le biais de la technique de l’influence des principaux points focaux décisionnels en Afrique, il arrive que certains dirigeants tentent, ici et là, de s’appuyer sur les expériences de développement, réussies ailleurs en marge des préceptes de Washington pour trouver une nouvelle voie basée sur les 3 P : prospérité, paix et progrès. Mais le constat d’échec auquel conduit invariablement la mise en œuvre des formules proposées à l’usage des dirigeants africains tend à s’adapter à ce nouvel environnement particulièrement hostile au bien-être des Africains. La promotion à coups de médiatisation du concept de « gouvernance » devient l’instrument alpha-oméga, proposé pour expliquer et servir de solutions au mal-développement.
Malgré une littérature abondante et majoritairement occidentale, le bilan des expériences passées est loin d’être exhaustif. Beaucoup d’évaluations sommaires, partielles, partiales, réductrices demeurent souvent impressionnantes par les outils mathématiques et parfois exotériques, utilisés pour modéliser la responsabilité à sens unique des Africains. Et l’on ne sait jamais, en définitive, si cet insuccès récurrent est imputable aux gouvernements africains, à leurs turpitudes et à leur impéritie notoires, ou aux schémas préconisés ou encore aux deux facteurs cumulés, comme si l’expérience n’était qu’un simple exercice de style. Nonobstant ces errements et tribulations, la faillite des différents modèles de développement éprouvés en Afrique n’a guère découragé la cohorte des médecins et autres experts ès décollage économique penchés de l’extérieur, sous les auspices du couple Banque mondiale/FMI, le Grand Prescripteur, sur le Grand Malade du monde globalisé, lesquels se remettent derechef en quête d’une énième formule magique.
Après la faillite annoncée mais néanmoins dûment constatée des Programmes dits d’ajustements structurels, thérapie iatrogène s’il en fut, le thème de la lutte contre la pauvreté est passé à l’honneur, ces derniers temps, et tient lieu de nouveau paradigme, comme pour insuffler un supplément d’âme, une dose d’éthique dans une conception du développement qui reste subtilement normative et fondamentalement néolibérale. Il est à craindre que la notion de gouvernance n’en soit qu’un nouvel avatar, pour mieux contrôler les instruments-indicateurs 3 P à savoir productivité, partage et performance provenant de la vision 3 P fondatrice (progrès, paix, prospérité).
Le paradigme « gouvernance » est prédicable à l’infini. Elle se conjugue aujourd’hui sur tous les modes en forme d’énonciations adjectives. La gouvernance est à la fois publique et privée, bonne ou mauvaise, mondiale, régionale, urbaine et locale. Elle devient malléable et prend des formes inattendues comme la gouvernance financière, d’entreprise, culturelle, voire linguistique, etc. Sa plasticité, fort commode, en cohérence avec sa connotation libérale, autorise également tous les couplages et jumelages conceptuels : Régionalisation et Gouvernance, par exemple. La combinaison de ces deux modalités de la mondialisation, vise à dépasser le cadre Etat-nation ou stato-national, et rend compte, à certains égards, de la combinaison de globalisation et localisation sous le vocable « glocalisation », forgé par Roland Robertson mais primitivement thématisé par Sony. La globalisation est devenu le credo des multinationales nipponnes, pour s’imposer comme l’un des maîtres mots de la rhétorique géoéconomique contemporaine.
« Que l’Etat-nation soit trop grand pour les petites choses (problèmes locaux) et trop petit pour les grandes choses (questions mondiales), relève aujourd’hui de la lapalissade », depuis le constat dressé par Daniel Bell. Que, de la même façon, il soit déstabilisé par le bas, par les mouvements ethno-régionalistes, et par le haut, par la dynamique de la mondialisation, est un fait universellement admis. L’observation est encore plus vraie s’agissant de l’Etat africain post-colonial ou néocolonial, dont la légitimité, déjà précaire voire inexistante en raison de ses carences organiques, de son autoritarisme congénital et de son inefficacité chronique, est encore battue en brèche par le processus de mondialisation à l’œuvre dans l’ordre international. La défiance qui touche l’Etat, induite par le néolibéralisme ambiant et la clôture présumée en cours de l’ère westphalienne, a, par conséquent, conduit à s’interroger sur la manière sinon de penser le politique sans l’Etat, du moins de gouverner sans injonction de l’Etat central et d’articuler, dans un contexte d’interdépendance généralisée, globale, le triple niveau local, national et mondial.
L’échelle régionale s’est donc imposée comme cette voie médiane et médiatrice. Mais si les vertus de la régionalisation sont reconnues, celle-ci, tout en étant nécessaire, ne serait pas en elle-même suffisante pour favoriser une insertion avantageuse dans l’économie mondialisée ou dans un monde globalisé et réticulaire. Il lui faudrait le concours d’une gouvernance bien comprise pour en maximiser les potentialités, en optimiser l’efficience, en amortir et en réguler les impondérables. Gouvernance, néologisme paradoxal et ambigu voire polysémique, venu du vieux français via l’anglais, défini, entre autres, par Pascal Lamy, alors Commissaire européen au Commerce, comme « l’ensemble des transactions par lesquelles des règles sélectives sont élaborées, décidées, légitimées, mises en œuvre et contrôlées ». Cette définition, sans prétendre à quelque canonicité que ce soit, peut faire consensus.
Il appert que la catégorie de gouvernance, internationale en l’espèce, est de l’ordre de la régulation, mais non de la réglementation, et privilégie les mécanismes procéduraux, formels comme informels, comme mode opératoire et de légitimation. Le fonctionnement de l’organisation des Nations Unies permet d’en mesurer les frontières floues en référence aux rapports de force et des pressions unilatéralistes des pays à influence forte sur des pays à influence faible. Cette forme de gouvernance de la régulation associe dans une forme de processus décisionnel non consensuel des acteurs publics et privés souvent sous forme de partenariat public-privé, des organisations de la société civile (OSC) y compris les Organisations non gouvernementales (ONG), des organismes multilatéraux, bilatéraux et nationaux, des acteurs du marché, des responsables d’interventionnisme divers dans un espace public transnational en formation, au sens d’Habermas. Fondé sur une conception élargie de l’exigence démocratique, la gouvernance de la régulation fait appel à la politique délibérative, aux procédures transactionnelles en amont et en aval dans le processus décisionnel. Le recours à des procédures délibératives, élément fondamental de l’exercice de la démocratie, ne saurait cependant à lui seul garantir la légitimité des décisions, mais peut participer à leur légitimation. L’exigence démocratique, inhérente à la gouvernance, doit répondre aux trois conditions suivantes :
- obéir au principe de spécialité en veillant à la clarté dans la définition des missions sans bafouer la culture locale,
- transparence dans l’exécution du mandat,
- participation des ONG, composante essentielle de la société civile nationale et internationale, comme instance de surveillance, aux côtés des instances de représentation locales tenant lieu de parlement traditionnel de contrôle.
L’Afrique n’a pas attendu les conseils et les stimuli venus de l’étranger pour se mettre au régionalisme, dans l’acception positive de la notion. Elle est depuis longtemps convertie aux vertus de l’intégration régionale et de l’inter-localité. Elle a d’ailleurs promu sans le vouloir l’inter-indépendance comme vecteur de paix. Toutefois, l’Unité constitue le mythe fondateur du nationalisme africain, et reste, en dépit des vicissitudes du post-colonialisme, son horizon intangible et ultime. Ses figures emblématiques, comme, pour ne citer qu’eux, le ghanéen Kwamé Nkrumah et le Sénégalais Cheikh Anta Diop, en ont fait un impératif catégorique. Si Krumah s’était fait le chroniqueur de la crise annoncée de l’Etat-nation hérité des découpages coloniaux, en mettant en garde les leaders nationalistes de toutes obédiences contre l’appropriation mimétique et la reproduction contrefactuelle du modèle Etat-nation européen et les risques d’une indépendance réalisée dans la désunion et sur fond de guerre froide, Cheikh Anta Diop attirait l’attention sur le contre-exemple sud-américain : « L’Afrique noire serait non balkanisée, car les régimes politiques des Balkans sont relativement stables mais sud-américanisés. Elle verrait une prolifération de petits Etats dictatoriaux sans liens organiques, éphémères, affligés d’une faiblesse chronique, sous la domination économique de l’étranger, qui tirerait ainsi les ficelles à partir d’une simple ambassade».
Sur un autre plan, le fait est que l’Afrique n’est pas vide d’organisations internationales, ni avare de plans et tentatives d’unification continentale et d’intégration régionale. C’est même un continent saturé sous ce rapport, un continent maillé et sur-institutionalisé qui a fait l’expérience de deux organisations continentales (OUA et UA) et compte près d’une double centaine d’institutions régionales. Mais, paradoxalement, cette prolifération organisationnelle n’est pas signe d’efficacité, ni d’opérationnalité. La solution n’est pas certainement plus dans la création d’institutions mais plus dans l’efficacité et la spécialisation de ces institutions. C’est même tout le contraire. L’inéfficacité s’apparente alors à ce que d’aucun appellerait «l’absence de capabilité » qu’elle soit humaine, institutionnelle, ou autre.
A y regarder de plus près, ces expériences s’effectuent sous le sceau de l’hétéronomie et du mimétisme, d’une gestion centralisée et patrimonialisée sur la base d’un instrumentalisme rentier et prédateur, qui se révèlent, in fine, aussi éphémères qu’improductives. Sans parler véritablement d’échec, les économies ayant subi ou opté pour de telles expériences stagnent et leurs bilans ne sont pas spécialement brillants, notamment pour ce qui est de la réalisation d’infrastructures de bien-être et de communication au bénéfice de la population. L’environnement de gouvernance qui tient lieu de gouvernement apparaît comme des structures clientélistes où inconsistance fait bon ménage avec bureaucratie à des fins de féodalisation des pratiques démocratiques importées d’ailleurs. La résultante est partout la même : les dirigeants n’ont plus de prise sur le réel, pire la répression permet de s’en passer. Martial Ze Belinga a pu parler de « sur-investissement formel ». D’autres y voient des nouvelles formes de colonisation par les institutions, puisque le mimétisme de forme, s’il permet au plan opérationnel une certaine homogénéité dans les fonctions, n’évacue nullement le rapport de force, au contraire. L’absence de moyens budgétaires semble même accentuer la pénurie des services d’appuis.
Le passage de l’OUA à l’UA est significatif à cet égard puisque le modèle choisi fut celui de l’Union européenne, les commissaires ont plus ou moins les mêmes fonctions. Mais l’UA ne peut en aucun cas rivalisée avec les services de l’Union européenne préparant les dossiers tant en nombre qu’en qualité. L’essentiel de la différence se remarque dans les budgets et le nombre de personnes qualifiées allouées par les uns et les autres aux différents dossiers. Face à cette instrumentalisation de fait, le NEPAD, instrument de l’UA, s’est voulu original, tiré d’un bilan critique des expériences passées et grâce à des mécanismes novateurs et dynamiques, où le souci d’efficacité tente de primer sur toute autre considération. Nous verrons plus loin que la réalité est bien mitigée du fait des pressions exercées pour la mise en œuvre de recommandations formulées par le NEPAD/MAEP.
1.4 Les pièges du mimétisme institutionnel
La liquidation sans gloire de l’OUA procède de la croyance fétichiste et superstitieuse en la force de l’imitation, qui garantirait, par sa seule vertu, en plus de la fidélité de la réplication et moyennant quelques aménagements, la réalisation de l’idéal d’unité continentale rêvé. La fin de la décolonisation politique ouvre la voie à la décolonisation économique dans un contexte de mondialisation accélérée où la compétition se gagne sur l’apport du capital humain et de la réactivité des institutions. L’OUA n’a que trop tardé à prendre acte de cet état de fait.
L’analyse du marasme de l’OUA par ses propres naufrageurs et fossoyeurs s’est souvent limitée au constat de dysfonctionnement chronique d’une organisation inadaptée aux objectifs qu’elle s’était assignée et aux nouvelles exigences d’un monde en plein bouleversement. L’expertise, si l’on peut dire, comme il apparaît, est restée purement formelle et fonctionnelle, réduite à une question d’ingénierie. Les succès tangibles et probants du processus d’intégration européenne ont donc beaucoup impressionné les observateurs de l’autre côté de la Méditerranée et du Sahara, lesquels n’en ont saisi que superficiellement les ressorts profonds et la cause efficiente, attribués sommairement au mode opératoire et à l’outillage institutionnel, aux principes normatifs et organisationnels qui en régissent l’agencement et le fonctionnement.
Ironie de l’histoire, le modèle européen, copié avec complaisance par les chefs d’Etat africains, est quasiment conforme au schéma que proposait Nkrumah pour la première organisation panafricaine. Le 25 mai 1963, à Addis-Abeba, capitale de l’Ethiopie, à l’occasion de la Conférence constitutive de l’Organisation de l’Unité africaine, le chef d’Etat ghanéen faisait la proposition suivante :
- une constitution établissant un Gouvernement d’Union des Etats Africains;
- un Parlement bicaméral,
- un Plan continental définissant un programme commun unifié industriel et économique prévoyant: un marché commun, une monnaie africaine unique, une zone monétaire africaine unifiée, une Banque centrale, un système continental des télécommunications;
- des Affaires étrangères et une diplomatie communes;
- un système de Défense commun;
- une citoyenneté africaine unique.
Le projet de Nkrumah, comme chacun sait, fut rejeté par la majorité des participants. Le 9 juillet 2002, à Durban, en Afrique du Sud, le 38e et dernier Sommet de l’Organisation de l’Unité Africaine, 53 Chefs d’Etat et de Gouvernement décidaient de liquider l’OUA et de fonder L’Union Africaine (UA). Le principe en avait été adopté lors de la quatrième session extraordinaire de la Conférence des Chefs d’Etat à Syrte, en Libye, le 9 septembre 1999, consigné dans la Déclaration finale, devenue l’acte constitutif de l’Union africaine. L’exposé de motifs est clair :
« Inspirés par les nobles idéaux qui ont guidé les Pères fondateurs de notre Organisation continentale et des générations de panafricanistes dans leur détermination à promouvoir l’unité, la solidarité, la cohésion et la coopération entre les peuples d’Afrique, et entre les Etats africains ; … convaincus de la nécessité d’accélérer le processus de mise en œuvre du Traité instituant la communauté économique africaine afin de promouvoir le développement socio-économique de l’Afrique et de faire face de manière plus efficace aux défis de la mondialisation… ».
La Déclaration de Durban définit les règles et statuts des organes et institutions de l’Union Africaine, qui prévoit :
- une Assemblée, organe suprême de l’Organisation regroupant l’ensemble des Chefs d’Etat et de Gouvernement,
- une Commission, dont l’objet est d’assister l’assemblée dans le gouvernement de l’Union en vue de réaliser l’intégration politique et économique;
- une Banque centrale;
- une Cour de Justice;
- un Parlement;
- une monnaie unique;
- un Conseil de sécurité et de paix, composé de 15 membres, chargé de la prévention, de la gestion et de la résolution des conflits;
- une Force de maintien de la paix formée de contingents des armées africaines, disposant du droit d’intervenir en cas de violations manifestes des droits de l’Homme et de crimes contre l’humanité.
Il a donc fallu le détour de l’Union européenne pour que les Africains redécouvrent les mérites du projet nkrumahien, quand bien même il serait ici passablement édulcoré.
Champ d’expérience fécond, l’Europe unie, le processus d’intégration européenne passe pour le modèle de référence et se donne pour tel. Un spécialiste suédois, Björn Hettne, suggère à ce propos : « Les récents changements intervenus à l’échelle mondiale favorisent le processus de régionalisation (…). Ce processus ne concerne pas seulement le niveau global mais aussi les transformations internes au sein des régions. En fait, ce sont deux dimensions inséparables (…) Même s’il procède d’un processus « d’européanisation », ce processus a néanmoins des répercussions dans le monde entier, y compris en Afrique. L’Europe, en tant que « forteresse »”, suscite une régionalisation permanente mais, en même temps, la Communauté européenne fournit un modèle pour la coopération régionale et sa « diplomatie de groupe à groupe » encourage les prises de décisions au niveau régional. (…) La théorie de l’intégration régionale a connu des hauts et des bas (…). Comme le souligne, pour des raisons diverses, l’intégration économique régionale devient une fois de plus, dans toutes les régions du monde y compris en Afrique, une question de développement central. Le problème, en ce qui concerne l’intégration économique en Afrique, c’est qu’il y a peu de choses à intégrer (sic). Ce qu’il faudrait, c’est un développement économique intégré à l’échelle régionale ». Même quand leurs intentions paraissent généreuses, les spécialistes occidentaux résistent difficilement à la tentation d’user du sarcasme pour mieux justifier leur rôle et leur vision des problèmes.
L’intégration est conçue comme une simple question d’ingénierie institutionnelle. Comme pour l’adoption fidéiste universelle, avec la débâcle du dogme soviétique, le système de la « démocratie de marché » comme une forme nouvelle de la théologie de la libéralisation est présumé seul efficace par la plupart des pays occidentaux riches, souvent membres de l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE). Les dirigeants africains, non sans céder aux influences venues d’ailleurs, ont donc pensé que l’on pouvait puiser à sa guise dans le prêt-à-penser européen, copier et adapter librement un modèle supposé avoir fait ses preuves. C’est oublier que toutes démarches analogiques, sophistiques tendent à faire fi de la généalogie, des fondations, de la chaîne des médiations, de la séquentialisation et des pré-requis menant à une forme fonctionnelle de l’union. S’est-on seulement interrogé sur l’hypothèse d’un surdimensionnement éventuel et des conséquences des rapports de forces asymétriques du modèle de l’Union européenne au regard des réalités et des potentialités de l’Afrique ? Il y a un a priori selon lequel les dirigeants africains ont collectivement considéré que les Européens ont « défriché » et « balisé » le chemin pour les autres peuples, à telle enseigne que nul ne peut s’organiser sans passer par cette voie royale. Mais le parcours s’en trouve-t-il pour autant facilité et raccourci ? Rien n’est moins sûr pour l’Afrique.
Toujours est-il que sur la foi de ces conjectures et inférences aventurées, l’idée prévaut que le clonage mécanique de l’Union européenne, l’encodage de sa formule à succès, le simple transfert ou transposition de son modèle institutionnel, que l’on présume, et de manière complètement hasardeuse, aisément reproductible – comme s’il s’agissait d’un vulgaire exercice de prêt-à-poser d’un kit préfabriqué, ou d’une banale opération d’import-export -, seraient la panacée. Les promoteurs de l’Union africaine ont poussé le mimétisme jusqu’à installer une Commission, sur le modèle bruxellois, présidée actuellement par Alpha Oumar Konaré, ex-Président du Mali, mais sans lui donner les moyens financiers, politiques et juridiques d’une action efficace.
Postulat et posture apparaissent souvent naïvement comme la condition nécessaire et suffisante d’une intégration réussie. D’autres paramètres et variables, autrement éclairants et opérants et infiniment plus déterminants, ayant trait aux composantes proprement internes et à la dimension éthologique et politique de l’expérience africaine, ainsi que leurs interactions, n’ont guère été pris en compte ni fait l’objet d’un examen approfondi. Loin s’en faut. Il s’agit entre autres :
- du contenu et de la mise en abyme de l’histoire et de la mémoire communes,
- de la valeur des hommes et des femmes,
- de l’adéquation des politiques publiques,
- de la qualité du leadership et des administrations publiques,
- de la nature des régimes, l’identité et les potentialités des acteurs économiques,
- de la taille des unités économiques,
- du consensus ou dissensus autour du système de valeurs,
- de la mesure du capital humain et social,
- du degré et des formes d’implication des peuples, du niveau d’organisation et de participation de la société civile, etc.
Les mésaventures et malheurs de l’OUA, les raisons, qui en ont provoqué la ruine, ont été manifestement sous-analysées sinon occultées, réduites à des considérations axiomatiques et procédurales, formalistes et organisationnelles. Hors de cet impératif d’auto-réflexivité, de cet examen de conscience et des faits, le risque est en effet grand de voir l’expérience en cours se solder par les mêmes mécomptes, et le mimétisme couplé à un zest de volontarisme ne saurait pallier cette carence originelle. Certes, il est toujours loisible de supputer sur l’effet de stimulation et d’entraînement que peut induire par le haut et l’extérieur le processus engagé, sur les vertus du volontarisme, mais les fondations paraissent par trop fragiles et friables et l’aventure par trop difficile et aléatoire pour fonder et nourrir des espoirs raisonnables. Les injonctions et ingérences opportunistes des Présidents en exercice de l’UA sur la gestion des affaires de la Commission de l’Union africaine apparaissent comme des préludes à un refus de respect du droit.
Faut-il rappeler certaines analyses du président gabonais, Omar Bongo Ondimba qui dans des propos visionnaires sur l’UA n’entrevoit nullement une place pour la démocratie, ni pour l’indépendance, encore moins pour l’autodétermination des peuples et donc à fortiori peu de priorité à la notion de régionalisation et d’intégration : « La naissance de l’Union africaine devra impérativement s’accompagner d’une révision des rapports entre les Etats africains. L’OUA a beaucoup œuvré en faveur de la décolonisation totale du continent ou pour l’éradication de l’apartheid. Mais globalement, son action était trop timorée. C’est aux dirigeants africains de faire preuve de volontarisme et de courage politique pour que cette nouvelle institution panafricaine soit un instrument efficace et non un lieu de palabres. L’Union africaine doit contribuer à mettre fin aux conflits armés qui minent le continent, à lutter contre les ravages du sida et des maladies infectieuses, à promouvoir le développement durable de l’ensemble de ses Etats membres ».
Une union véritable ne saurait se concevoir en dehors d’un système régional homogène, pour reprendre une distinction de Raymond Aron : « J’appelle systèmes homogènes ceux dans lesquels les Etats appartiennent au même type, obéissent à la même conception de la politique. J’appelle hétérogènes, au contraire, les systèmes dans lesquels les Etats sont organisés selon des principes autres et se réclament des valeurs contradictoires ». Cette homogénéité axiologique et intellectuelle est l’une des conditions de la viabilité et de l’efficacité d’une organisation internationale. Robert Keohane affirme, à ce propos, mais non sans arrière-pensée, il est vrai, que « les institutions dont les membres partagent des valeurs et des systèmes politiques similaires, telles que l’OTAN ou l’Union européenne, seront probablement plus fortes que des organisations comme l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) ou l’Association des Nations de l’Asie du Sud-Est(ANASE ou ASEAN en anglais) dont la grande diversité des membres ne partagent pas nécessairement le même type d’intérêts ». Les observations du Japonais Jun Nishikawa sur les mérites comparés du régionalisme en Europe et en Asie vont dans le même sens : « La régionalisation d’aujourd’hui est plus fonctionnelle qu’intégrationniste. Le cas de l’UE est un cas particulier, né à la fois de la leçon historique des grandes guerres successives et d’une situation unique dans la guerre froide de l’après deuxième guerre mondiale. La culture humaniste européenne nourrit aussi les Européens dès l’enfance. Pour les autres régions, où le degré de développement économique diffère entre les nations, la culture ou les cultures sont très variées, la conjoncture historique étant différente, le système intégrationniste fonctionne avec difficulté. C’est clair pour l’échec de plusieurs essais de formation d’un système intégrationniste en Amérique latine. En Asie également…, la majorité des organisations régionales sont conçues et formées comme une organisation de coopération technique et fonctionnelle de partenaires plus ou moins égaux. Il arrive souvent que le même partenaire participe à plusieurs organismes régionaux de coopération. On l’appelle le « régionalisme ouvert » ».
L’auteur n’a pas daigné citer l’Afrique, dont l’expérience n’est que rarement considérée et prise au sérieux à l’étranger, et il y a de quoi, mais relève, au nombre de ces facteurs incitatifs, l’instauration de la liberté de circulation des biens et surtout des personnes, qui sont de nature à favoriser l’avènement d’une identité supranationale européenne. De fait, les Européens, pour renforcer leur unité et la fonder sur des bases solides, se dont dotés d’un texte fondamental, dite Charte des droits fondamentaux, document synthétisant leurs valeurs de civilisation. Le rejet du projet de traité constitutionnel par la France et les Pays-Bas, mus par un tropisme souverainiste, a marqué un coup d’arrêt au processus provisoire, fatal diront certains, à l’intégration européenne. Mais il est suffisamment avancé pour maintenir sa vitesse de croisière et rester opérationnel.
Les organisations régionales spécialisées et techniques prolifèrent en Afrique. Elles relèvent des modèles existants. Le processus d’intégration économique peut se faire à partir du marché, à l’instar de la Communauté économique européenne (CEE). Il peut être planifié ou encadré par l’Etat, à l’exemple du Conseil pour l’assistance économique mutuelle des ex-pays communistes, COMECON. On distingue conventionnellement cinq degrés d’intégration économique :
1. zone de libre-échange,
2. union douanière,
3. marché commun,
4. union économique,
5. union économique et monétaire.
L’UEMOA et la CEMAC, par exemple, appartiennent à cette dernière catégorie. La généalogie de l’intégration en Afrique révèle qu’avant le NEPAD, l’Afrique a connu plusieurs déclarations d’intention et programmes lénifiants, demeurés sans lendemain : Déclaration de Coopération, Développement et Indépendance Economique (1973) ; Déclaration de Kinshasa sur les principes d’une Communauté Economique Africaine (1976) ; Stratégie pour le Développement Economique de Monrovia (1979) ; Plan de Lagos et Acte Final de Lagos (1980) ; Traité d’Abuja pour l’Etablissement d’une Communauté économique panafricaine (1991). Le NEPAD se veut résolument novateur, et se définit comme un modèle autonome et sui generis, qui procède d’un processus auto-réflexif et d’un souci d’efficacité renouvelé, à l’instar de la formule de la Conférence nationale durant la période de transition de l’après-guerre froide, innovation majeure, née de l’imagination créatrice des démocrates africains, béninois précisément. Ce processus de rénovation pourra-t-elle résister aux combats d’arrière-gardes tendant à maintenir le statu quo ? Rien n’est moins sûr si l’on voit avec quelle difficulté la régionalisation volontaire de la gouvernance proposée par le mécanisme africain d’évaluation des pairs rencontre des difficultés auprès des Etats souffrant de déficit démocratique.
2. La Pression des « Pairs » et de la Communauté internationale : un succédané à l’impossible démocratie en Afrique ?
Au-delà de la volonté de se surveiller mutuellement, c’est bien la volonté de combler le déficit de crédibilité de certains chefs d’Etat africains qui prévaut. Pour ce faire, le NEPAD, instrument de l’Union africaine, se propose de faire respecter volontairement des « standards et des principes » afin de faciliter le processus d’obtention de financement extérieur, conditions que fixent de plus en plus les pays créditeurs sous le couvert du respect de la « bonne gouvernance » ? Cherche-t-on à s’approprier le mécanisme africain d’évaluation des Pairs ? La réponse est non en apparence. Mais, sans une véritable démocratisation de la Pression des « Pairs » et celle de la Communauté internationale vers le peuple-citoyen africain, les bonnes intentions risquent de rester des « vœux pieux » et la démocratie africaine continuer à se faire à l’africaine. Rien n’est pourtant perdu.
2.1 Comment combler le déficit de crédibilité ?
Les pays africains souffrent collectivement d’un déficit de crédibilité, voire de légitimité, qui a pour résultante que toutes nouvelles initiatives lancées collectivement ont souvent du mal à trouver des financements ou alors les financements obtenus sont octroyés sous conditionnalités, elles-mêmes très peu médiatisées. Le président malien Amadou Toumani Touré s’adressant à ses pairs dans une intervention en décembre 2003 résume la situation : « je rêvais régulièrement du NEPAD. Mais aujourd’hui, je deviens impatient parce que nous parlons, parlons et parlons… ».
Le fonds de « solidarité numérique » ayant pour objet de réduire la fracture numérique n’a pas trouvé d’échos favorables auprès des bailleurs de fonds occidentaux malgré l’engagement personnel du Président Abdoulaye Wade. Ce qui d’ailleurs a poussé certaines organisations non gouvernementales à faire des propositions de taxation exceptionnelle sur les communications ou sur les équipements informatiques au profit d’un tel fonds. Sans succès pour le moment !
La décision des Ministres africains de l’industrie de lancer collectivement avec l’appui de l’Organisation des Nations Unies pour le Développement Industriel (ONUDI) une « initiative pour le renforcement des capacités productives en Afrique » a trouvé un écho favorable. Pourtant, les apports financiers vers la facilité d’appui ne sont pas encore légions. L’initiative a pour objectifs de réduire le « fossé industriel » entre le Nord et Sud et de réorganiser le secteur privé et les institutions africaines par sous-secteurs industriels afin de valoriser en priorité les segments de la chaîne de valeur de la production industrielle présentant un avantage comparatif réel pour l’Afrique.
Il en est de même du mécanisme africain d’évaluation des Pairs (MAEP) mis en place, à la suite de la déclaration portant sur le Nouveau Partenariat pour le développement en Afrique (NEPAD) et recommandant à chaque Etat de fournir un plan d’action opérationnel du NEPAD avec des dates butoirs. Ceci est consistant avec l’adoption de la « Déclaration sur la démocratie, la gouvernance politique, la gouvernance économique et la gouvernance des entreprises », un des résultats suivant l’inauguration de l’Union africaine (UA) en juillet 2002 à Durban en Afrique du sud. Conformément à la décision des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine, le MAEP était supposé démarrer dès 2004 pour les pays engagés dans la mise en oeuvre du NEPAD. Au début de 2004, au moins 22 sur 53 pays africains ont accepté le principe de se faire évaluer par des Pairs dans le cadre d’une évaluation appelée curieusement « auto-évaluation ».
2.2 Respecter des « standards et des principes » pour obtenir des financements ?
En réalité, à l’époque, seuls 16 pays ont signé et donné leur accord pour se faire évaluer. La procédure a débuté en mars 2004 avec les quatre premiers pays que sont : le Kenya, le Ghana, le Rwanda, et Maurice. Aucun des membres fondateurs du NEPAD (notamment l’Afrique du sud, l’Algérie et l’Egypte, le Nigeria, le Sénégal,) n’a jugé nécessaire de passer dans la première vague. Peut-être attendent-ils de se faire un jugement sur la crédibilité et la neutralité des « évaluateurs » mais aussi du respect par les donateurs de leur parole. D’ailleurs, les contraintes logistiques et financières font que l’on ne pourra pas espérer réaliser en moyenne plus de quatre « évaluation des pairs » par année. Autrement dit, parmi les seize premiers déclarés, au moins quatre pays ne seront pas évalués avant 2008. Les bailleurs de fonds attendront-ils la fin des évaluations et la mise en œuvre des recommandations pour témoigner de leur bonne volonté pour octroyer des financements aux « bons élèves » ?
Mais en quoi consiste cette évaluation pour que tant de dirigeants africains soient si réticents à adopter ce qui ne devrait en principe n’être qu’une opération de routine à des fins d’amélioration de la gestion de la chose publique. Cette chose publique se compose justement de deux volets principaux :
Le MAEP, géré par le Secrétariat du NEPAD, se présente donc comme un instrument de mesure de l’état de la gouvernance politique et économique dans les pays qui ont volontairement accepté de s’y plier. Il est question de produire, d’adopter, de comparer et de respecter des « standards et principes » acceptés mutuellement et collectivement afin de dresser une sorte de tableau de bord de la gouvernance des pays africains. En filigrane, la rationalité qui sous-tend une telle décision s’explique par la conviction pour la communauté internationale, comme au demeurant pour les dirigeants africains, que le non-respect de ces « standards et principes », auxquels il faut rajouter les pratiques, ne contribuerait pas à restaurer ou maintenir la paix et la cohésion sociales, à soutenir une croissance économique durable et partagée, à favoriser l’alternance pacifique au sommet des Etats africains, et à assurer une intégration sous-régionale harmonieuse, voulue et soutenue par les populations.
La Commission économique pour l’Afrique des Nations Unies (CEA) et la Banque africaine de Développement (BAD) ont été choisies pour mener les évaluations portant sur la gouvernance économique. Un panel indépendant de personnalités éminentes (PIPE) sera chargé de l’évaluation de la gouvernance politique et du choix du pays dans lequel l’évaluation sera menée en présence d’au moins deux représentants des Etats ayant accepté le principe du MAEP. Outre l’évaluation obligatoire dans les 18 mois suivants l’adhésion d’un Etat au MAEP, des évaluations périodiques ou ad hoc sont prévues.
Il est proposé dans le MAEP d’analyser la gouvernance politique et économique d’un pays en cinq étapes et de présenter les résultats sous la forme d’un rapport. Il faudra visiter le pays avec une équipe d’experts pluridisciplinaires indépendants, préparer et présenter les conclusions de la mission de l’équipe d’experts au Secrétariat du NEPAD, les faire adopter par les structures du NEPAD en consultation étroite avec le PIPE et des représentants des chefs d’Etats, et présenter officiellement le rapport aux institutions régionales, sous-régionales dans le cadre d’un débat officiel et public des conclusions moins de six mois après l’approbation par les Chefs d’Etat.
Au moins 18 pays ont déjà indiqué leur accord pour être évalués dont : Afrique du sud, Algérie, Angola, Botswana, Burkina-Faso, Cameroun, Congo démocratique, Egypte, Ethiopie, Gabon, Ghana, Kenya, Mali, Mozambique, Nigeria, Rwanda, Ouganda, Sénégal… Le Ghana fait parti des premiers pays à se faire évaluer, suivi en principe de l’Ouganda. Le MAEP fera lui-même l’objet d’une évaluation par la conférence des Chefs d’Etats tous les cinq ans.
Il est donc question d’établir des points et des processus de référence qui peuvent faire l’objet d’une mesure utilisée comme un indicateur de performance standard permettant des comparaisons, des recommandations et des améliorations de la gouvernance politique et économique des pays africains par les Africains. En effet, plusieurs dirigeants africains continuent de sous-traiter, volontairement ou sous pression, directement ou par le truchement d’institutions financières multilatérales, une grande partie de leurs problèmes de gouvernance aux pays industrialisés influents, fréquemment l’ex-puissance coloniale. En contrepartie de cette « perte de souveraineté », les pays africains concernés accèdent plus facilement à des financements bilatéraux, et éventuellement multilatéraux. Il semble, au moins sur papier, que certains dirigeants africains veuillent dépasser cet état de fait.
Le professeur Wiseman L. Nkuhlu, Président à l’époque du Comité Directeur du NEPAD, rappelle à l’occasion que les Chefs d’Etat africains doivent s’engager et participer activement dans le processus d’évaluation des Pairs. D’après lui, « une mise en œuvre réussie du MAEP devrait considérablement augmenter la crédibilité des réformes portant sur la gouvernance politique et économique en Afrique ». Pour ce faire, il fallait définir le MAEP comme un « examen et une appréciation/évaluation de la performance d’un pays par les dirigeants d’autres pays africains (les Pairs), par des institutions désignées ou par une combinaison des deux ». Cela n’empêche nullement de faire appel à des experts indépendants pour des aspects spécifiques. Contrairement à l’exemple des pays industrialisés qui ont démarré ce genre de dialogue d’investigation, sous les auspices de l’OCDE, sur les volets économiques, l’Afrique semble mettre l’accent sur le « politique », ce qui risque d’ailleurs de ralentir considérablement le processus volontaire d’adhésion et de participation. La confiance mutuelle risque d’être circonscrite aux pays participants au MAEP, soit moins de la moitié des pays africains.
Il faut se souvenir d’ailleurs que le NEPAD, alliance entre un projet sud-africain (Renaissance africaine) et un projet sénégalais (OMEGA), résulte d’une terminologie pacifiée autour du mot « partenariat », proposée lors du sommet du G8 des pays riches de Gênes en 2001 par opposition au mot « initiative » africaine. Ce changement de terminologie continue de servir de lutte intestine entre :
- d’une part, les tenants de ceux qui font confiance à la communauté internationale en acceptant de se plier à ses «conditionnalités» afin d’obtenir plus facilement des financements pour soutenir leur développement, et
- d’autre part, ceux qui estiment que par leurs atermoiements et promesses non tenues, certains Etats membres de la communauté internationale promeuvent leur propre «agenda» et ne répondront finalement jamais à la demande des Africains en termes de financement et de diffusion de compétences pour soutenir le NEPAD.
Pour avoir différé le financement de certaines composantes du NEPAD, notamment l’infrastructure et les technologies de l’information et de la communication, la communauté internationale porte une part de responsabilité dans le retard de la mise en œuvre du NEPAD et du MAEP. En fin de compte, le MAEP ne doit pas se muer en un tribunal des conflits entre les pays du nord et certains pays africains ou entre pays africains sur un dossier d’évaluation de la gouvernance d’un pays uniquement parce que les « conditionnalités » ou les « recommandations », selon les interprétations, ne sont pas suivies. En réalité, dans les cas critiques d’une évaluation axée sur l’économique, le résultat en dernier ressort se résume à un assèchement financier ou quelques retards dans l’accès à des financements alors que pour une évaluation axée sur le politique, il s’agira purement et simplement d’une sorte de « bannissement » par une majorité de Pairs. Le cas d’espèce du Zimbabwe, aujourd’hui mis entre parenthèse du Commonwealth, risque de faire jurisprudence. Les interprétations sur le niveau de pression à exercer sur un Président africain sont alors à géométrie variable dépendant principalement des considérations historiques et géoéconomiques.
A supposer qu’une procédure de type MAEP ait pu sanctionner le Zimbabwe, le seul fait qu’il n’y ait pas d’obligation à mettre en oeuvre les recommandations d’une telle structure risque simplement de conduire à l’émergence d’une « démocratie de la honte » par l’entremise des médias, encore faut-il que le chef d’Etat mis en cause en accepte le principe. Dans ces conditions, il ne faut pas s’étonner que l’on ne se bouscule pas pour accepter le MAEP, à moins que la carotte du financement, les pressions extérieures ou les deux, ne se fassent plus insistantes. Mais les intérêts collectifs des gouvernements occidentaux en Afrique conduisent très rapidement à l’autocensure sous toutes ses formes, avec des conséquences non négligeables sur les dirigeants africains.
Le silence de Tabo Mbéki, Président sud-africain et de ses pairs d’Afrique australe, sur les exactions au Zimbabwe sont à mettre en parallèle avec les positions de Olusengo Obasanjo, Président nigérian et Président en exercice de l’Union africaine et ses pairs en Afrique de l’ouest, sur les élections falsifiées et les multiples atteintes au droit de l’homme confirmées par l’ONU au Togo en 2005. Certains pays africains sous embargo économique partiel de financement européen sont en train de montrer qu’un pays peut survivre à l’aide internationale tout en transférant la charge de la responsabilité de l’augmentation de la pauvreté à la communauté internationale. Celle-ci doit alors faire face à sa propre contradiction sur le respect ou pas des principes de la bonne gouvernance selon qu’il y a des intérêts à protéger. Le cas du Togo géré au niveau de la gouvernance régionale reste dans les annales du double langage des communautés internationale et africaine.
2.3 Gouvernance régionale : qui cherche à s’approprier le mécanisme africain d’évaluation des Pairs ?
Il semble qu’il existe un véritable quiproquo sur l’approche africaine de l’évaluation des Pairs, du fait principalement de la présidentialisation musclée de certains régimes africains. Les points suivants font problème dans la pratique :
1. La personnalisation de l’évaluation, ce qui revient en filigrane à faire « condamner » un pays (ou son chef) non plus par la communauté internationale ou les institutions qui les représentent, mais par les dirigeants africains eux-mêmes, ceci dans le cadre du MAEP.
2. Le financement du Mécanisme doit, en principe, être assuré directement par les contributions des Etats membres, ce qui n’exclut pas un rôle actif et souterrain d’influence exercé par les partenaires extérieurs. Sans une transparence totale sur les conditionnalités avancées par les partenaires extérieurs, il serait difficile de recréer la confiance mutuelle nécessaire pour asseoir la crédibilité de MAEP. On peut valablement s’interroger sur les motivations d’un Etat non démocratique qui contribuerait financièrement au MAEP pour s’entendre dire justement qu’il ne respecte pas les règles élémentaires d’un processus électoral ou des droits de l’homme. Sur des sujets sensibles comme la corruption et les procédures de négociation des marchés publics, le tabou risque de régner en maître.
3. La politisation du processus d’évaluation semble faire la part belle aux performances de l’Etat sur les aspects touchant aux droits de l’homme, la corruption, aux dépens des aspects économiques, industriels et commerciaux. Cela risque de ne pas favoriser la remise en cause des défaillances des sociétés multinationales sur le continent. Il sera plus difficile de relever les cas d’impunité notoire, surtout s’ils sont généralisés dans la « proximité ». De plus, les appréciations risquent aussi de se faire selon le principe de « deux poids, deux mesures » entre les Etats économiquement influents aux dépens de ceux qui le sont moins.
La décision de la Commission européenne (janvier 2004) d’enclencher une procédure judiciaire devant la Cour européenne de justice contre la France et l’Allemagne n’est pas encore concevable dans le contexte africain. En ne respectant pas l’esprit du pacte de stabilité et de croissance de l’Union européenne et les recommandations de la Commission européenne insistant sur la réduction des déficits budgétaires, ces deux pays introduisent de fait et unilatéralement une « flexibilité » dans les « indicateurs de performance standards » européens. Est-ce un signe d’adaptabilité ou de non-respect, lorsque ni l’un, ni l’autre pays ne remet en cause l’objectif ultime consistant à rétablir l’équilibre des finances publiques ? Cette situation met en lumière les difficultés qu’il y a à « sanctionner » un pays influent et rappelle indirectement qu’il sera difficile que la souveraineté des Etats soit subordonnée uniquement à la pression des « Pairs ». Les médias libres doivent soutenir le processus. A défaut, le poids politique de l’institution en charge des évaluations sera, de fait, remis en cause en cas de non-aboutissement de la procédure (non-lieu ou action déboutée par la Cour européenne de justice par exemple). Une telle situation, dans le cas africain, serait encore plus complexe compte tenu du fait que l’institution chargée de l’évaluation est en train de naître et ne dispose pour le moment que de l’appui de moins de la moitié des chefs d’Etat africains.
Dans la mesure où le MAEP arrive à maîtriser ces contraintes, il n’est toujours pas garanti qu’un veto collectif, prenant la forme d’une position prise au sein d’un « syndicat des chefs d’Etat » informel, ne remet en cause les vérités identifiées par le PIPE. Non-ingérence dans les affaires intérieures, principe de précaution, souveraineté d’un Etat, alignement sur le ou les pays donateurs sont les notions qu’il faudra redéfinir dans le cadre de l’identification de repères collectifs fondateurs pour faciliter la transparence des résultats.
Autre point de litige, c’est qu’il existe un processus d’évaluation des Pairs au niveau de l’Union africaine qui porte sur la sécurité, la stabilité, le développement et la coopération en Afrique et qui a pris la forme d’une conférence. Faut-il se souvenir de la position d’un Ministre malien qui rappelle que l’un des constats de la Conférence sur la Sécurité, la Stabilité, le Développement et la Coopération en Afrique (CSSDA) de 2000 est que « la démocratie, la bonne gouvernance, le respect des droits de l’homme et des peuples et l’Etat de droit sont des conditions préalables à la réalisation de la sécurité, de la stabilité et du développement du continent », et que « rien ne doit empêcher la confrontation des idées et la promotion du pluralisme politique ». Les duplications entre les mécanismes d’évaluation des Pairs de l’UE et celui du NEPAD doivent rapidement être clarifiées. Faut-il en déduire que l’intégration du secrétariat du NEPAD dans les structures de l’Union africaine (UA), principale résolution du 9e sommet des chefs d’Etat et de gouvernement africain chargé de la mise en oeuvre du NEPAD, Kigali, 21 février 2004) suffit à faire disparaître les duplications ? En réalité, non ! Il y a un besoin réel d’aller vers plus de précisions dans les résolutions.
Par ailleurs, tant que le Maroc sera absent de l’UA, il sera difficile de parler d’un mécanisme associant tous les pays africains. Pourtant, cet argument ne favorise pas plus le MAEP du NEPAD car beaucoup trop de pays africains considèrent que les financements risquent de provenir indirectement des pays occidentaux ou des institutions financières de développement, souvent prompts à lier leur « appui » à des « conditionnalités » non discutables. D’autres pays craignent de voir s’afficher au grand jour leur concept fort éloigné de la gestion éthique de la chose publique et de la démocratie. Ainsi, paradoxalement, l’UA pourrait voir son mécanisme d’évaluation se renforcer avec le temps si la méfiance de certains chefs d’Etat qui ne sont pas disposés à « plaire » à l’Occident se transforme en défiance vis-à-vis des pays riches ne défendant que leurs intérêts au détriment du développement et du bien-être des populations africaines.
Le MAEP-NEPAD devrait alors évoluer en tant qu’entité non autonome de l’UA et retrouver à l’instar des autres activités dépendant de l’UA, un statut effectif d’ « initiative africaine ». De nombreuses voix s’élèvent pour remarquer que le NEPAD reçoit une attention plus marquée (sans financement toutefois) de la communauté des bailleurs de fonds parce que certains Présidents africains seraient en train de promouvoir, au sein du NEPAD, les points de vue de la communauté des bailleurs de fonds et des institutions multilatérales de financement sur la gouvernance politique et économique. Le G 8 soutient le NEPAD, sous réserve du respect de plusieurs conditionnalités. Certains dirigeants africains voient donc dans le MAEP un moyen de pression détournée pour imposer à quelques dirigeants africains la volonté des bailleurs de fonds, ceci par le truchement d’autres chefs d’Etat africains. De là à penser à l’adage, « diviser pour mieux régner », il n’y a qu’un pas d’autant plus que le financement d’activités et de projets connexes risque de provenir principalement de ces mêmes bailleurs de fonds. L’Afrique se retrouve de fait avec un système d’évaluation des Pairs à deux vitesses :
- un au niveau de l’UA qui exclue le Maroc et portant plus sur les problèmes de paix et sécurité;
- un autre au niveau du NEPAD et portant sur la gouvernance politique et économique avec plus de 50 % de chefs d’Etat africains sceptiques du fait des interférences possibles de la communauté des bailleurs de fonds, et surtout des risques de pertes additionnelles de souveraineté.
L’appropriation africaine du processus de MAEP risque alors d’avoir des ratés et de perdre en indépendance. Il ne s’agira d’ailleurs nullement d’interdépendance puisque le soutien financier de tous ordres obtenus par certains chefs d’Etats dans le cadre ou à l’extérieur du processus d’évaluation des « Pairs » constitue un péril à terme : celui de favoriser l’émergence d’une forme de gouvernance de la postcolonie par personnes interposées où il sera difficile de traiter de problèmes africains entre Africains. Si à la suite de recommandations des Pairs, aucune sanction réelle n’est véritablement possible sur le plan pratique, il est difficile de croire que dans le long terme la diplomatie africaine de la persuasion collective, en l’espèce très coûteuse et grande consommatrice de « temps », devienne un standard. Plus grave encore serait le cas de chefs d’Etat qui accepteraient, en principe, de se plier à cet « exercice » et interfèreraient en fin de parcours pour modifier les résultats et les recommandations quant les pressions ne seraient pas faites en amont pour amener les personnes consultées lors des missions d’évaluation à prendre le masque de « ceux qui n’ont rien vu, rien entendu et rien dit… ». On pourrait alors aussi aboutir à des dirigeants qui laissent le processus se dérouler mais n’affichent comme résultat que ce qui bon leur semble. On passera alors de « l’information » à la « communication », stade avant-coureur de la désinformation, elle-même reposant sur l’autocensure, principe fondateur de la neutralité coupable.
Pour ceux qui joueront pleinement le jeu de la transparence et mettront en application les recommandations, c’est vers une Afrique positive, réduisant les impunités et acceptant les conseils des Pairs et la sanction du peuple que l’on se dirigera. Les conséquences sur une croissance économique durable et partagée ne devraient alors pas tarder à se manifester. Cela suppose aussi que l’adhésion à la loi de l’alternance pacifique du pouvoir fasse dorénavant partie intégrante du droit commun et non de la loi d’exception. Le processus d’évaluation lui-même devrait dès lors se démocratiser et ne devenir qu’un des outils de comparaison de la performance « politique et économique et sociale » d’un pays en référence à la moyenne régionale et aux pays situés dans la proximité géographique et économique. Une classification par catégorie et secteurs devra converger vers un indicateur de référence universel même si les pays africains doivent nécessairement pouvoir être distingués en au moins trois catégories : les pays résolument engagés (PRE), les pays modestement engagés (PME) et les pays faiblement engagés (PFE) à soutenir un mécanisme commun d’évaluation de la gestion de la chose publique. Les « standards, les principes et les pratiques » doivent alors préalablement être adoptés pour chacune de ces catégories. C’est la condition sine qua non permettant d’aller vers des équivalences et à terme une harmonisation réussie, au bénéfice de la démocratie africaine, et non d’une démocratie à l’Africaine. Il faut espérer que ces éléments seront pris en compte par la Commission économique pour l’Afrique à qui le NEPAD a confié l’élaboration des indicateurs de performance. L’appropriation du MAEP sera collective et dépendra en partie d’un soutien objectif des bailleurs de fonds.
La participation du peuple-citoyen est purement et simplement mise de côté, ce qui permet d’éviter toutes formes de consultations-adhésions sérieuses. Les arguments tels que la nécessité de faire avaliser les décisions rapidement, le manque de temps pour rediscuter des décisions prises par les chefs d’Etat… contribuent à retarder l’implication directe du peuple-citoyen africain. Ainsi, certains pays africains risquent de se retrouver dans une situation ambiguë. La réalité pratique de la démocratie de façade les conduit à utiliser le MAEP comme un succédané à une démocratie à l’Africaine sans électeurs pour cautionner une gouvernance politique et économique manquant de fondements démocratiques et de légitimité.
En réalité et pour prendre un exemple pratique, il est question d’identifier des institutions qui ont prévu des fonds concessionnels pour l’Afrique et en fonction des montants et des priorités, s’organiser sur le plan régional pour offrir une série de projets intégrateurs et fédérateurs à l’appréciation des bailleurs de fonds. L’exemple suivi par la CEDEAO est révélateur de la pratique. Sur la base d’un Plan d’Action approuvé à Yamoussoukro en 2002 par les chefs d’Etats et de gouvernement de la CEDEAO, les ministres de cette sous-région ont retenu quelques 28 projets intégrateurs et les ont présentés dans le cadre des projets NEPAD. Il est question de s’assurer que les modalités d’exécution conformément aux conditionnalités des bailleurs de fonds sont approuvées, les cadres institutionnels établis et que bien sûr la volonté est clairement affichée. En fait, il faudrait plus promouvoir les institutions qui permettent d’aller chercher directement les fonds sur le marché des capitaux. Les initiatives de l’Union africaine allant dans le sens de la création de la banque africaine d’investissement (BAI) sont donc prometteuses.
Des structures d’appui telles que le Groupe de la Banque d’Investissement et de développement de la CEDEAO (BRIC) ne ménagent pas leur peine et quelques 52 milliards de FCFA ont été engagés pour le financement des projets qui concernent les secteurs des infrastructures, de l’énergie, des industries et des services. Pour l’exercice 2004-2006, la BRIC prévoit d’allouer la somme de 334 milliards de FCFA au profit des projets intégrateurs. Ces efforts louables ne doivent pas faire perdre de vue que les montants nécessaires sont bien supérieurs à la capacité de cette banque et que l’apport des bailleurs de fonds étrangers sera déterminant dans la réussite d’une telle approche. D’autres projets, identifiés ou pas à Niamey seront soumis à d’autres bailleurs de fonds, qui restent finalement les véritables décideurs en dernier ressort. Si cette pratique devait être dupliquée pour appuyer les pays « acceptant » de se faire évaluer et de mettre en pratique les recommandations de MAEP, alors, on assistera à la mise sous tutelle indirecte des Etats souverains. Les portes ouvertes offertes par les accords de Cotonou font déjà l’objet de débats. Les initiatives récentes consistant à préparer la création de la banque africaine d’investissement, dont le siège Tripoli en Libye a été déjà déterminé ne pourra fonctionner que si cette BAI accepte au capital non seulement la société civile africaine, notamment la Diaspora, mais aussi les non-régionaux. La crédibilité de la BAI en dépend grandement.
Ainsi, la sacro-sainte non-intervention dans les affaires intérieures entre Etats africains se sera transformée en une ingérence indirecte consistant à utiliser l’arme des financements concessionnels comme un argument de négociation. Il ne faut pas être dupe de la possibilité qui existe que les négociations indirectes et secrètes pourront porter sur des sujets autres que ceux affichés dans le cadre du MAEP. En effet, toutes les interférences possibles sous couvert des projets conçus comme des programmes « de sortie de crises » ou de « rétablissement de la paix » sont autant d’interférences dans le secteur de la défense, de la sécurité et de l’armement et en principe classées « secret défense ». Il arrive que cela ressemble purement et simplement à l’octroi forcé de bases militaires, qui sous d’autres circonstances, n’auraient peut-être jamais vu le jour.
2.4 Démocratiser les Pressions des « Pairs » et de la Communauté internationale
Rien ne sera possible sans une prévisibilité des moyens réellement disponibles pour mener à bien l’évaluation africaine des Pairs. Une architecture informationnelle des expertises et des institutions d’appui et un calendrier stratégique de mise en œuvre sera nécessaire pour éviter que le décalage entre la vision et la réalité ne conduise à un point de non-retour mettant en danger tout le processus de prise en charge par les Africains de leurs problèmes. Le rôle décisionnel de la société civile est absent et risque de rendre tout le processus peu démocratique. De plus, il devient impératif d’avoir :
1. une acceptation des repères collectifs concrétisés par les standards, le processus d’évaluation et les indicateurs de performance; ces repères peuvent ne pas être les mêmes selon les sous-régions ;
2. un réel engagement des Etats membres consistant à honorer dans l’esprit et dans la forme les textes tout en contribuant activement à la mise à disposition des ressources financières, humaines venant en appui à la logistique de MAEP,
3. une réelle volonté de construire et/ou de rétablir la confiance mutuelle en mettant à disposition les informations demandées, et surtout en facilitant l’accès des évaluateurs à toutes les composantes de la population, y compris les opposants non représentés au parlement et la Diaspora. Ce sera l’occasion de retrouver la voie vers de futures cohabitations politiques d’un genre inédit ; et
4. une procédure permettant de redonner un rôle décisionnel à la population, ceci pourrait d’ailleurs se traduire par une décision d’acceptation ou de rejet par un parlement représentatif de la société civile africaine.
En retour, l’équipe de la MAEP sera garante de la crédibilité de tout le processus en organisant la transparence, la simplicité, l’indépendance, le professionnalisme et l’impartialité dans l’exécution de cette mission-défi. Le vrai succès se concrétisera par une volonté des Etats africains d’instrumentaliser les comparaisons entre les économies africaines, le fameux « benchmarking », d’en tirer des bonnes pratiques et de les mettre en exécution.
Il ne faudrait pas que s’installe une sorte de « monopole » d’affectation des attributions. Toutes institutions spécialisées d’appui peuvent être approchées ou offrir leurs services. C’est dans ce cadre que l’Agence internationale pour la Francophonie peut avoir un rôle dans la gouvernance politique notamment sur le plan de la démocratie et des droits de l’homme, alors que l’ONUDI, par exemple, avec l’initiative de renforcement des capacités productives en Afrique adoptée par les Ministres africains de l’industrie, puis par les Chefs d’Etat africains en juillet 2004 comme la composante du NEPAD portant sur le développement industriel durable, pourrait venir utilement épauler la Commission Economique des Nations Unies pour l’Afrique (CEA) et la Banque Africaine de Développement dans les domaines de la gouvernance économique et de la gouvernance des entreprises.
La renaissance africaine passe nécessairement par une renaissance de la valorisation du bien public, position qu’il est bien difficile de faire partager avec une certaine communauté internationale qui, abusée par l’œil déformant du « tout privé », oublie que l’essentiel de la richesse des pays industrialisés s’est construit à partir d’un interventionnisme étatique performant valorisant le bien public… Les coupes sombres dans les budgets des Etats, ajustement dit « structurel » oblige, et la difficulté des Africains à moderniser les institutions publiques d’appui ne manqueront pas d’être évaluées dans le cadre du MAEP afin de trouver un consensus africain, d’abord national, sous-régional, continental ou sectoriel sur des bonnes pratiques à respecter dans le futur.
La notion de souveraineté des Etats risque alors d’évoluer vers des concepts de type organisations inter-étatiques, en attendant ceux relatifs à la confédération. La dialectique « ingérence et souveraineté de l’Etat » continuera à se discuter à l’aune du principe de précaution si l’évaluation des Pairs, avec ou sans pression de la communauté internationale, débouche sur des bonnes pratiques acceptées autour de frontières tangibles des Etats africains. L’Organisation des Nations Unies, qui s’est construite sur le principe de la non-ingérence, sera amenée graduellement à consacrer le principe inverse, dans le cadre d’espaces élargis multiethniques et multi-Etats. La vitesse avec laquelle ceci se mettra en place dépendra grandement de la capacité des dirigeants africains à faciliter le travail des médias libres. En fait, le tout premier indicateur de performance devrait être la « capabilité » de l’Etat africain à accepter la pression des opinions publiques africaines.
Le MAEP ne doit pas transformer la vision des Africains contenue dans le NEPAD en quelques programmes ou projets négociés à coups de financements bilatéraux et multilatéraux ad hoc en provenance des bailleurs de fonds internationaux. La prévisibilité des financements des projets répondant aux objectifs du NEPAD, tant des Etats africains que des Partenaires internationaux, redevient un acte fondateur de la confiance mutuelle. Toute négligence sur ce plan relève du mépris du peuple quand il ne s’agit purement et simplement que de déni de représentativité, puisque le citoyen, du Nord comme du Sud, paye ses impôts. Le MAEP du NEPAD doit nécessairement être réajusté, simplifié, démocratisé et harmonisé avec l’espoir de voir le Maroc retrouver pleinement sa place au sein de l’Union africaine.
A défaut, le MAEP risque pour certains pays riches du Nord de devenir un outil commode d’interférence indirecte dans les affaires africaines, un outil de déviation des financements internationaux vers quelques pays africains acceptant de servir de relais des conditionnalités occidentales au sein du NEPAD, et finalement un outil de division des dirigeants africains lorsque l’agenda des bonnes pratiques devient conditionnel et conditionné. Ne pas en parler relève de la neutralité coupable.
Conclusion : combler le déficit de légitimité et construire une souveraineté partagée
Les dirigeants africains se doivent d’honorer leurs engagements financiers vis-à-vis du NEPAD. A défaut, cela sonnerait rapidement le glas d’une initiative hautement louable telle que le MAEP. Mais rien ne remplacerait une participation indirecte de la population aux décisions sous la forme de « vote des parlementaires » sur les grandes questions portant sur la gouvernance politique, économique, sociale et environnementale sans oublier les droits de l’Homme et des Peuples. On pourra alors effectivement démocratiser les pressions des Pairs et de la Communauté internationale en favorisant le débat contradictoire institutionnalisé au niveau national avant d’aller l’organiser au niveau régional au lieu de se contenter d’un processus continental basé sur l’approche du « haut vers le bas » excluant les populations. En conséquence, le MAEP apparaît comme un succédané à l’impossible démocratie locale. Faire cohabiter le MAEP et le principe de non-ingérence, c’est « mettre la charrue avant les bœufs ».
En filigrane de tout le processus d’évaluation des Pairs, la vraie question n’est plus de savoir si un chef d’Etat (ou un groupe de chefs d’Etat) africain doit être habilité à « apprécier » les actes d’un autre chef d’Etat africain, mais si le citoyen africain peut, en toute liberté, « apprécier » les actes de son chef d’Etat ou d’un groupe de chefs d’Etat africains. Au niveau des Etats dits « nations », le nombre de pays africains où la démocratie n’existe pas ou relève d’une institutionnalisation de façade justifierait qu’un effort soit fait pour faire participer diversement les populations africaines directement aux décisions.
Au niveau de l’UA, l’absence de référendum permettant de donner une légitimité populaire à tout le processus de revalorisation de l’interdépendance africaine est à déplorer. S’agit-il d’un mépris de la population ? Probablement, non ! C’est pire ! Certains dirigeants africains semblent craindre leur peuple. D’autres, notamment ceux de la communauté internationale, semblent vouloir chercher à « contrôler » indirectement ces mêmes chefs d’Etats africains poursuivant en cela des objectifs moins clairement définis à des fins de promotion de leurs intérêts « bien compris ». Il importe de rappeler les thèses de Atsutsè Kokouvi Agbobli : « Nul doute que depuis des temps immémoriaux, les Africains, voire les Noirs, ont perdu la faculté de participer activement à la conduite de l’histoire universelle. Envahis, conquis et répartis en zones d’influence et en champs d’expansion et d’exploitation de peuples dominateurs et conquérants, ils sont devenus de simples objets de l’histoire ». Il ne faudrait pas qu’en fin de parcours et sur la base de l’évaluation des « évaluateurs », l’on s’aperçoive que le Mécanisme africain d’évaluation des Pairs a concouru, aveuglément, à la perpétuation indirecte d’une telle situation. Ce risque est d’autant plus grand que le déficit de crédibilité des dirigeants africains, malgré les nombreuses réunions moulées dans la « palabre et le bougisme », risque de s’accentuer si le déficit de légitimité, donc la démocratisation effective de la vie politique africaine à partir de la revalorisation des chefferies locales, n’est pas rapidement comblé.
Il convient de rappeler que le paradoxe de la démocratie en Afrique réside dans l’importance accordée au mimétisme de la démocratie occidentale conduisant à parler plus de « démocratisme » que de « démocratie ». Le démocratisme pourrait alors se définir comme un mode de gouvernance qui accorde une importance exagérée à la médiocrité, à la normalisation de l’impunité et au refus du questionnement des pratiques et des décisions politiques. En fait et de manière feutrée, les dirigeants africains optent collectivement, ceci malgré eux, pour une forme de pudeur institutionnelle où le bougisme permet de créer l’illusion d’une progression dans la poursuite des objectifs de développement durable, de paix et sécurité et de l’unité. En réalité, le bougisme ne consacre souvent que le triomphe du statu quo, du fait justement :
- du choix dit «consensuel» pour des décisions prises sur la base du plus petit dénominateur commun, et
- de la difficulté à accepter de financer sur des ressources propres une partie des décisions prises.
Le mimétisme « démocratiste » africain consiste alors à se satisfaire d’un système non transparent de compétition pour le pouvoir où les électeurs sont des consommateurs sans pouvoir d’achat et les politiciens, des entrepreneurs sans capital. Le corollaire en est la déresponsabilisation, l’organisation de l’apathie civique et la non-participation politique d’un grand nombre de citoyens africains par le biais de la coercition et/ou de la ventrologie. Il est donc clair que le peuple-citoyen, au même titre qu’une marchandise jetable, doit « servir » ou être neutralisé. Les dirigeants, en tant qu’entrepreneurs qui investissent avec « la natte des autres », ne voient parfois pas d’objections à accorder une priorité toute relative au service public et une priorité seconde à la mise en place de biens publics communs, notamment les infrastructures de bien-être. En fait, celui qui dirige sans crédibilité et légitimité à partir des chefferies locales se condamne à « se servir », et parfois en arrive, union oblige, à conjuguer ce verbe d’action à la première personne du pluriel « nous servir ». C’est pour faire échec aux interprétations possibles de l’union marchandisée que le concept d’interdépendance africaine a été préféré, malgré les contraintes de rapport de force inhérentes à cette approche systémique et dynamique.
La vigilance est de rigueur dans ce jeu de palabres où du côté, les choses n’avancent pas clairement sur le chemin des réalisations concrètes et du côté des pays donateurs, les choix en dernier ressort ne privilégient pas les instruments favorisant une accélération de la maîtrise des capacités productives et de la création de la valeur ajoutée au niveau africain. Un pourcentage encore trop important des prêts octroyés ne sert finalement qu’à financer l’achat de produits et services en provenance des pays donateurs. Ces derniers sont incapables de juguler en interne leur surproductivité et cherchent, de manière récurrente, à mettre à niveau et moderniser les techniques d’exploitation de l’Afrique avec la complicité des Africains, notamment ceux qui se retrouvent au niveau décisionnel. Le développement et le mieux-être des Africains ne peuvent se construire sur cette base sur le long terme.
Dans ces conditions, l’unité des Africains ne peut se faire que par défaut, c’est-à-dire sans l’aval du peuple-citoyen. Drôle d’unité que l’Union africaine se garde bien de dénoncer, puisque cette institution est l’émanation et la gardienne de l’orthodoxie privilégiant la doctrine de l’avancement par l’alignement sur le plus petit dénominateur commun ! On est loin des innovations ou même des discussions que pourraient offrir les débats ouverts notamment au sein du Forum social africain lequel gagnerait à trouver un statut officiel auprès de l’Union africaine et du NEPAD. Cette institutionnalisation pourrait servir de départ pour la construction du conseil économique, social et culturel qui si l’on n’y prend garde, risque d’être rempli par des anciens « conjoncturés » du secteur public africain. La gouvernance éthique n’a qu’à attendre.
Les bailleurs de fonds dans tout ceci semblent paradoxalement trouver là un nouveau moyen de moderniser leur technique de la servitude sans responsabilité directe en apparence. Sans véritable implication visible, les pays industrialisés se donnent bonne conscience auprès de leurs contribuables qui feraient bien d’être plus vigilants sur l’utilisation effective de leurs impôts en Afrique. S’il reste vrai que l’objectif recherché et souhaité par certains Chefs d’Etat est que des financements importants soient octroyés aux « bons élèves » selon des critères très occidentalisés et sans l’aval du peuple-citoyen africain, il importe de se demander si ces financements profitent effectivement à la population. Les projets intégrateurs dans le domaine de l’infrastructure, malgré les retards, semblent devenir réalité. Mais quel pourcentage des fonds transférés, avec beaucoup de retard, ne va pas retourner vers les agents économiques des bailleurs de fonds sous la forme de contrat d’exécution, de produits et intrants achetés, d’équipements importés et retournés dès que les travaux sont terminés… alors que les prêts eux doivent être remboursés. Peu nombreux sont les dirigeants qui ont pris conscience que l’infrastructure sans des projets valorisant la capacité productive des Africains, risquent simplement d’augmenter un peu plus la charge de la dette et le service de la dette de pays déjà hautement endettés auprès des mêmes bailleurs de fonds. Ces derniers deviennent de plus en plus des bras avancés de multinationales qui ne partagent pas toujours les critères de responsabilité sociale de l’entreprise, encore moins l’éthique. Le mécanisme d’évaluation des pairs ne peut faire l’impasse sur l’évaluation du rôle des entreprises multinationales sur les décisions des Chefs d’Etat africains et le mal-développement qui en résulte.
Comment alors contribuer à assurer l’unité des Africains si les dirigeants ne sont pas unis sur le MAEP ? Comment alors combler un déficit de crédibilité sans re-apprivoiser les techniques de la représentativité à partir des espaces régionaux ou locaux notamment en intégrant les chefferies traditionnelles. Bref, à défaut de l’union, comment assurer l’interdépendance entre les Africains sans revoir et institutionnaliser en toute transparence l’organisation de la légitimité des représentants du peuple-citoyen à partir de la proximité ?
La réponse passe par un refus de faire l’impasse sur la qualité de la représentativité en Afrique. Il devient fondamental de ne pas accepter d’organiser l’unité des Africains par défaut et malgré eux. Si le peuple-citoyen laisse faire les dirigeants, alors il existe un risque important d’échec. La pérennisation d’un tel système profanant la démocratie au niveau des chefferies locales est un déni de légitimité, ce qui, bien sûr, a des conséquences collatérales sur la qualité et la crédibilité des dirigeants africains, pris collectivement. L’institution qui les représente au plan global à savoir l’Union africaine n’y échappe pas. Il ne s’agit plus de changer uniquement les individus et assurer la parité entre hommes et femmes. Il ne s’agit plus de demander aux Chefs d’Etat d’augmenter leur contribution pour permettre de sortir des contributions minimales assurant tout juste les frais de fonctionnement vers des contributions volontaires d’appui aux activités d’organisation de l’unité africaine. Il s’agit d’aller vers des changements de structures.
Cette destruction-transformation créatrice de l’ancien système ne peut se faire sans le peuple-citoyen. Faut-il rappeler qu’en passant de l’OUA à l’UA, les dirigeants africains semblent avoir abandonné l’esprit de l’unité en omettant le O de l’Organisation collective. Sans cette organisation collective, il y a peu de chance d’organiser collectivement la capacité de négociation collective sur le plan régional et mondial. L’échec de l’Organisation mondiale du Commerce à Cancun en 2003 repose quelque part sur la prise de conscience et l’organisation collective de certains pays africains. Ceci doit servir d’exemple et doit être structuré avec la population africaine, y compris la Diaspora. En continuant à nier l’évidence du déni de représentativité réelle de peuples-citoyens africains, les dirigeants africains commettent une faute stratégique.
En concluant alors des partenariats stratégiques sur ces bases viciées, ces mêmes dirigeants font le jeu de ceux qui ont toujours aspiré à contrôler la direction du monde et l’accès aux matières premières, fondement des actions innovatrices soutenant les capacités productives et le commerce. En transférant en bloc le contrôle des « Pairs » à des experts ne remettant plus en cause les injonctions des dits « bailleurs de fonds », en acceptant le principe de la course-compétition pour obtenir des fonds et aides qui développent plus l’Occident que l’Afrique, le MAEP pourrait contribuer à souvenir un « Plan Marshal au profit des créanciers de l’Afrique ». On ne contribue pas ainsi à l’unité des Africains. On participe en fait à la mise en place d’un succédané à l’impossible démocratie en Afrique qui se matérialise discrètement sous la forme :
1. d’un renforcement des interférences politiques et économiques exogènes à l’Afrique ;
2. de la globalisation de la répression économique ;
3. des transferts de valeurs ajoutées potentielles africaines vers d’autres cieux,
4. d’une arnaque grossière sur les options néo-libérales matérialisées par un refus de l’interventionnisme et la régulation de l’Etat dans les économies faiblement industrialisées ;
5. d’un soutien actif de certains Africains eux-mêmes à la neutralisation des dynamiques africaines et du non-paiement à leur juste prix des efforts produits par leurs populations respectives, et
6. de l’utilisation de l’organisation collective des « clubs de créanciers » contre une Afrique qui se refuse à discuter de manière collective, annihilant toutes les chances de résistance effective des Africains,
7. d’une dénaturalisation de l’émergence d’une véritable économie de proximité, fondement d’une gouvernance de proximité qui ne peut faire l’économie de la transparence et de la représentativité.
Il faut espérer qu’il ne s’agisse là que d’une erreur, malgré tout bien lourde de conséquences, et assurément pas d’une volonté manifeste de ne pas contribuer à l’unité des Africains. Quoique…
Plus de prospérité et de souveraineté partagées alliées avec plus de démocratie décentralisée ne peuvent que servir de voies à suivre en Afrique.
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Bibliographie sélective
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L’auteur tient à remercier Dr. Philippe Lavodrama, Professeur-Enseignant à Lyon, France pour sa contribution notamment sur l’appréhension des concepts et leur évolution.
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World Bank, op.cit, p. 78 ; en comparaison le nombre d’enfants de moins de 14 ans considéré comme main d’œuvre en 2003 dans les autres régions est en moyenne de 10 % dans le monde, 6 % en Asie du sud-est et Pacifique, 8 % en Amérique latine et Caraïbes, 4 % pour l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient et 0 % en Union européenne.
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Le trait relatif aux Balkans paraît aujourd’hui singulièrement anachronique mais l’énoncé conserve toute sa valeur pour l’essentiel. Il faut bien sûr se souvenir de la « stabilité » et du modèle d’autogestion de la Yougoslavie, avant l’éclatement que nous connaissons aujourd’hui.
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Il s’agit principalement de l’éthique en politique (accès au pouvoir, alternance, organisation des élections libres et transparentes, la participation de la société civile aux décisions, l’équité et la fiscalité, le processus de redistribution…, mais aussi des droits des citoyens et des peuples.
La gouvernance économique touche tout autant l’organisation des grands équilibres macro-économiques, l’interventionnisme et la régulation par l’Etat que la gestion éthique des entreprises publiques et privées, les droits des salariés, le rôle des entreprises multinationales, les problèmes fiscalo-douaniers, l’environnement des affaires en Afrique, etc.
Fabrizio Pagani, L’évaluation par les Pairs : un instrument de coopération et de changement : Analyse d’une méthode de travail de l’OCDE, SG/LEG(2002)1,OCDE, Paris, 11 septembre 2002.
Prof. Luc Sindjoun, voir ci-dessous – Les six membres du Panel des Personnalités Eminentes, organe chargé de la supervision du processus d’évaluation sont désignés par les Chefs d’Etat et de Gouvernement membres pour un mandat de quatre ans (sauf la présidente qui est désignée par les Chefs d’Etat pour un mandat de 5 ans) et ont pris leurs fonctions. Il s’agit des personnalités suivantes : Graça Machel (Mozambique), Adebayo Adedeji (Nigéria), Dorothy Njeuna (Cameroun), Bethuil Kiplagat (Kenya), Marie-Angélique Savané (Sénégal) et Chris Stals (Afrique du sud) ; la présidence sera assurée par Mme Savané et sera appuyée par le secrétariat du NEPAD.
Prof. Luc Sindjoun, le NEPAD et le mécanisme africain d’évaluation des Pairs, Table ronde préparatoire, n° 3, Paris, 20-21 novembre 2003 : « La bonne gouvernance : objet et condition du financement du développement », Agence Intergouvernementale de la Francophonie, 32 pages ; voir sur Internet : http://agence.francophonie.org/symposiumfinancement/tablesrondes/tableronde3/fichiers/tr3_luc_sindjoun.pdf
Il s’agit, entre autres, du Parlement panafricain, de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, du Conseil de paix et de sécurité, le Conseil économique social et culturel de l’Union Africaine.
Malachia Matholo, « An African Peer Review Mechanism : a panacea for Africa’s governance challenges ? », Policy Brief 29, p. 9 ; voir http://www.cps.org.za/execsumm/polbrief29.pdf.
Wiseman L. Nkuhlu, The New Partnership for Africa’s Development (NEPAD) Post the Durban AU Summit Held from 8-11 July 2002, ECA Conference of Ministers of Finance, Planning and Economic Development, Johannesburg, South Africa, 19-21 October 2002.
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En référence aux Accords de Partenariat Economiques promus par la Commission Européenne
Plus de 27 pays ont volontairement adhéré au MAEP (juillet 2005).
Discours de S.E.M Modibo Sidibé, Ministre des Affaires étrangères et des Maliens de l’extérieur devant la 55e session ordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies, New York, le 19 Septembre 2000, voir : http://www.un.org/ga/webcast/statements/maliF.htm
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Achille Mbembe, De la postcolonie. Essai sur l’imagination politique dans l’Afrique contemporaine, Karthala, coll. « Les Afriques », Paris, 2000.
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Un sommet entre les chefs d’Etats et de gouvernement de la CEDEAO et le Président de la Banque mondiale sur le financement par cette institution de projets intégrateurs a eu lieu les 19 et 20 mars 2004 à Accra au Ghana.
Raouol-Marc Jennar, « Nouvelles formes de colonialisme européen », in L’accord de Cotonou, Les habits neufs de la servitude, Colophon, collection « Essais », Bruxelles, 2002,
Yves Ekoué Amaïzo (sous la coordination de), [intlink id=”173″ type=”post”]L’Afrique est-elle incapable de s’unir ?[/intlink] Lever l’intangibilité des frontières et opter pour un passeport commun, avec une préface de Joseph Ki Zerbo, L’Harmattan, Paris, 2002.
Ha-Joon Chang, Kicking Away the Ladder: Development Strategy in Historical Perspective, Anthem Political Economy and Globalization Series, Anthem Press, London, 2002
Atsutsé Kokouvi Agbobli, Le monde et le destin des Africains : Les enjeux mondiaux de puissance, « collection « Interdépendance africaine », L’Harmattan, Paris, 2002, p. 197.
Voir aussi Pierre-André Taguieff, op. cit., pp. 132 à 136 ; lire aussi le Dossier spécial « L’Afrique qui bouge », in Le Pèlerin magazine, n° 6284, 9 mai 2003, Paris.
Joseph Ki Zerbo (sous la direction de), La natte des autres : Pour un développement endogène en Afrique, Actes du colloque du Centre de Recherche pour le Développement endogène (CRDE), éditions CODESRIA/Karthala, Paris, 1992.
Forum social Africain dont la direction est assurée par Aminata Traoré, ex-ministre du Mali ; voir aussi Le viol de l’imaginaire, Fayard, Paris, 2002.
François d’Adesky, « La Renaissance africaine et ses implications pour Haïti : une nation toujours en devenir. », voir www.afrology.com (sociétés)
Voir Yves Ekoué Amaïzo, L’Afrique et le commerce : organiser le « multi-régionalisme » sur la base de réseaux de « chaînes de valeur », in Yves Ekoué Amaïzo (sous la dir.), La neutralité coupable, op.cit.
Michel Chossudovsky, The Globalization of Poverty and the New World Order, Global outlook, second edition, Global Outlook, 2003, p. 350.
Yves Ekoué Amaïzo, « Le Plan Marshall à crédit », en référence à la proposition de Tony Blair et Gordon Brown contenue dans le rapport sur la Commission pour l’Afrique, voir www.afrology.com (économie).
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